Photos – Matt Seger
J’aimerais pouvoir vous dire que pendant l’heure qui m’a été donnée de passer avec DJ Khaled en chair et en os, je ne l’ai pas vu se faire manucurer, assis sur un trône. J’aimerais pouvoir vous dire qu’il ne balançait pas ses aphorismes inspirés aussi naturellement que vous lâcheriez un « putain » ou un « merde ». J’aimerais vous dire que DJ Khaled n’était pas la personne la plus à l’aise face à un appareil photo que j’aie jamais vue de ma vie. J’aimerais vraiment pouvoir dire tout ça parce que ça prouverait que DJ Khaled est une personne plus sobre que celle qu’il prétend être. Mais, désolé, tout ça ne serait que mensonges. Et je ne me risquerais jamais à porter un faux témoignage devant le pouvoir du LION!.
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Ceux qui suivent DJ Khaled connaissent évidemment LION!, la statue en pierre posée dans son jardin à Miami, que Khaled salue rituellement sur Snapchat chaque jour que Dieu fait. Et vous connaissez également la « Major Key » [« La Clé » – du succès], et « They », la force nébuleuse de haine cosmique qui veut vous empêcher de remporter diverses victoires de la vie, comme manger un petit déjeuner équilibré ou obtenir un disque de platine. Ces derniers mois, ces tropes ont fini par caractériser Khaled bien plus que ses punchlines grandiloquentes « DEE JAY KHALED » et « WE THE BEST ! » ou ses tubes comme « All We Do Is Win », « We Takin’ Over » et « No New Friends ». Et, si on prend en compte le fait que, selon mon analyse non-scientifique, on passe encore « All We Do Is Win » tous les soirs de l’année lors de tous les événements sportifs américains, c’est bien que ça représente quelque chose. Quelque chose de gros. Khaled est devenu la nouvelle icône de Snapchat en tant que nouveau réseau social qui explose. Il a d’ailleurs fait la couverture d’un récent numéro du Bloomberg Businessweek annonçant avec tambours et trompettes le « nouveau nouveau nouveau nouveau nouveau nouveau nouveau futur des médias ».
Bien qu’il fasse preuve d’un talent indéniable pour bricoler de gros tubes bourrés de featurings avec les plus gros rappeurs de l’été X ou Y – et cela fait maintenant dix étés qu’il enchaîne –, Khaled est surtout arrivé là où il est en étant le plus grand artiste vivant dans le domaine de la fanfaronnade. Durant cette dernière décennie, réussir dans l’industrie de la musique (ou ailleurs) a été de pair avec la maîtrise de l’art de monopoliser l’attention des gens, et ce glissement a placé des types comme Khaled, dont le boulot est essentiellement d’être community manager de lui-même, au centre du débat. DJ Khaled n’est pas tant devenu la star montante de Snapchat en étant un utilisateur habile de l’appli (ce qu’il est), mais surtout parce que sa marque de fabrique – un mec qui chevauche fièrement un jet-ski au royaume de l’absurde avec des aphorismes lapidaires en guise de lances – est parfaitement adaptée à l’ère médiatique actuelle. Le succès, de nos jours, c’est surtout donner aux gens un sujet de conversation et le vocabulaire nécessaire (d’où la prolifération de banques d’émoticônes de célébrités). Les punchlines de Khaled sont du genre de celles qu’on a envie de partager avec ses amis ; ses frasques et ses délires valent le coup qu’on en parle ; ses leçons de vie sont assez larges pour toujours sonner juste.
Être fan de DJ Khaled ce n’est pas simplement l’observer profiter de son propre succès, manière dont nous avons pu admirer les stars des générations précédentes ; cela signifie emprunter une de ses expressions favorites, marcher à ses côtés sur le chemin menant à plus de succès. C’est découvrir à quel point les choses peuvent bien tourner. Tout ça a fait de DJ Khaled un idéal à poursuivre, le yang bienveillant répondant au yin de Donald Trump, une force du Bien en peignoir de luxe. Ce qui lui a donné l’opportunité d’ouvrir pour Beyoncé sur le Formation Tour et l’a mis en bonne voie pour faire ce qui pourrait être le plus gros album de sa carrière, le bien nommé Major Key. C’est aussi pourquoi il a été choisi pour être l’image de la dernière campagne Rocawear (pour laquelle il a déclaré : « celui ou celle qui m’a choisi pour faire ça est un génie »), et c’est sur place que je l’ai rencontré au beau milieu de la manucure sus-mentionnée. Quand nous nous sommes assis après cette séance photo pour faire l’interview, Khaled était clairement épuisé par une journée passée à parler de toutes ces major keys, tout en restant bien conscient de ce que les gens veulent entendre de lui.
Noisey : C’est comment de tourner avec Beyoncé ?
DJ Khaled : C’est génial mec. J’arrive pas à croire que je tourne avec elle. Toute ma vie j’ai voulu tourner et passer au niveau au dessus, et puis je reçois le coup de téléphone de l’équipe de Parkwood. C’est juste incroyable d’avoir cette opportunité, que Beyoncé m’ait demandé de partir en tournée avec elle. Je veux prendre le temps de remercier Beyoncé dans chaque interview que je fais, qu’elle m’ait permis de faire partie de cette tournée. « Ils » ne veulent pas que je parte en tournée, je pars en tournée avec Beyoncé. Je suis tellement reconnaissant. Et mes prix ont carrément grimpé. Quand les promoteurs m’appellent pour faire des concerts et participer à des événements, si on ne parle pas de stades alors on parle de quoi ?
Qu’est-ce qui t’a le plus surpris chez les fans de Beyoncé ?
Les fans de Beyoncé sont incroyables. Pas seulement loyaux, mais aussi tellement investis. Imagine qu’il y ait un énorme orage, qu’il pleuve : ses fans viendraient s’asseoir sous la pluie pour la regarder chanter. Je trouve ça tellement génial. Il y a tellement d’énergie dans le Beyhive, tellement de joie, de bonnes vibes. On a l’impression que ce sont tous des superstars.
Comment s’est fait le morceau « For Free » avec Drake ?
Drake est un génie. Il m’a fait écouter une version inachevée de « For Free » en janvier, et j’ai pété les plombs. Genre « Woh, on y est », j’étais tellement excité. Il attendait juste le bon moment pour le finir. Il avait fait son album Views, qui est énorme, et il voulait prendre son temps. Quand je bosse avec Drake, ce que j’aime chez lui c’est que tout doit être parfait et tout doit être génial. J’adore ça, et je suis comme ça aussi. Il m’a béni, mec. Quand Khaled et Drake collaborent, c’est deux forces et deux styles qui incarnent la grandeur à un niveau supérieur. La dernière fois qu’on a bossé ensemble, c’était sur « No New Friends » et « I’m On One ». Quand on travaille ensemble, il se passe quelque chose de vrai, et les fans adorent ça, les gens adorent ça, et Drake sait que je vais y aller à fond, voilà.
Ça fait quoi d’émettre une critique face à Drake ?
Ce qui est bien avec Drake, c’est qu’on parle toujours honnêtement avec lui. On n’est pas dans une relation commerciale ; on est une famille, on est amis, on est frères, et je suis un fan de Drake. Et il respecte mon travail, ma carrière, autant que je respecte la sienne, donc si on hésite sur telle ou telle question créative, ce sera toujours dans une bonne ambiance. On tombe d’accord là où il faut, et à la fin, on obtient le meilleur résultat possible. Et regarde où on est maintenant : numéro un sur iTunes, en streaming, on est à la 20ème place dans les charts. Et ça va finir numéro un. Dieu est grand, on est bénis, We The Best, OVO salute.
Pourquoi ton Snapchat est si génial ?
Mon Snapchat a du succès parce que je suis juste moi-même, et en étant moi-même, j’emmène tout le monde dans mes délires. Si je suis chez moi en train de faire du jet-ski, ou dans mon jacuzzi, ou mon hamac, ou avec mes plantes, c’est moi, pour de vrai. C’est juste moi, et dans le même temps, mon Snapchat m’inspire quand je le regarde, ça me motive.
Ils ont mis une antenne sur Snapchat et le monde entier a pu voir tout ça. Si tu as entendu parler de DJ Khaled – quelqu’un qui me connaîtrait seulement par un morceau à la radio, ou qui m’aurait vu dans une vidéo –, maintenant tu sais qui je suis personnellement, et qui j’ai été toute ma vie. Voilà la clé. Être soi-même. Je ne suis plus un secret pour personne, et chaque fan à sa propre histoire avec DJ Khaled.
Snapchat te doit des remerciements pour toute cette publicité !
Ouais, j’ai eu un rendez-vous avec Evan [Thomas Speigel, le créateur de l’application] pour essayer d’avoir des actions. C’est un coriace ! Mais c’est mon ami. Je le respecte énormément et j’apprécie son soutien et son amour, pareil pour son staff.
Tu es un personnage très motivant, j’aimerais donc avoir quelques conseils. Par exemple : comment gérer cette terreur existentielle qui ronge nos vies dans ce monde moderne ?
Et bien, j’ai toujours dit que le monde était froid. C’est un monde froid. J’ai toujours dit qu’il fallait se couvrir, même en été, et la clé est de bien se sécher le dos après la douche, aussi. Nous vivons dans un monde froid, et il ne faut pas attraper la grippe ou un rhume. Mais si le monde est froid, ne vous faites pas avoir par le piège du froid, c’est à dire se laisser abattre. Vous êtes censés vous élever et accueillir les bénédictions que Dieu nous a données. Le monde est froid, il est dur, mais au bout du compte c’est à nous d’y apporter la joie. La joie, c’est ce que nous avons dans la vie. Nous respirons, et ça signifie que nous pouvons accomplir tout ce que nous voulons. Alors il est peut-être froid, mais nous allons passer outre.