Santé

J’entends des voix depuis que j’ai vécu un traumatisme

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Cristina Contini, 54 ans, entend des voix depuis 35 ans. « En supposant que vous arriviez à dormir la nuit, les voix vous hantent dès votre réveil », dit-elle. Les propos sont presque toujours désobligeants et prononcés dans la voix des personnes qu’elle connaît, comme ses parents ou ses amis.

Contini raconte qu’elle a commencé à entendre des voix à l’âge de 19 ans, après avoir été dans le coma à la suite d’une opération. « Quand je me suis réveillée, j’étais la même personne, à l’exception de quelques symptômes étranges, dit-elle. J’entendais des dizaines de voix, dont celle de ma grand-mère décédée, et je ne comprenais pas d’où elles venaient. »

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Les hallucinations auditives sont souvent associées à la schizophrénie, mais les symptômes de Contini ne correspondent pas aux autres critères de diagnostic de cette maladie mentale. En fait, après une première période d’adaptation, elle a continué à mener une vie apparemment normale. « J’ai eu une carrière, un enfant et j’ai trouvé un sens à ce qui m’est arrivé en aidant les autres », dit-elle. 

En 2005, elle a fondé l’association Sentire le Voci, qui accueille des patients de toute l’Italie et les met en contact avec une équipe multidisciplinaire de professionnels et d’autres personnes qui entendent des voix.

« Le phénomène est en fait plus répandu qu’on ne le pense, explique Francesco Bocci, psychothérapeute travaillant avec l’association. Environ une personne sur dix entend ou a entendu des voix, mais seulement 15 à 20 % développent une maladie mentale. » D’autres études indiquent des estimations plus basses et suggèrent que dans 80 % des cas, les hallucinations disparaissent avec le temps. 

Selon Bocci, l’expérience est très différente d’une personne à l’autre et il n’existe pas de diagnostic unique qui fonctionne pour tout le monde. « Il y a des éléments de dépression, de paranoïa et de trouble dissociatif, mais presque toutes les catégories psychiatriques sont limitatives », poursuit Bocci. Selon lui, la seule chose que les personnes qui entendent des voix ont en commun est une forme de stress post-traumatique.

L’association de Contini apporte un soutien aux personnes qui ont des hallucinations auditives verbales. « Le fait de partager leur état avec quelqu’un qui comprend les aide à se sentir plus calmes », dit-elle. Ils organisent des séances de thérapie de groupe avec des patients, leurs proches et des professionnels de différents horizons, couplées à des séances individuelles.

Cette approche multidisciplinaire se démarque certainement de la psychiatrie traditionnelle, qui associe chaque symptôme à un diagnostic précis et à une cure pharmacologique correspondante. Mais selon le psychiatre Paolo Cozzaglio, un autre collaborateur de l’association de Contini, elle est également plus utile. « Donner du sens aux choses, plutôt que de se contenter de prescrire des médicaments, c’est important en thérapie », dit-il. Le fait de bloquer les hallucinations auditives avec des prescriptions rend souvent le patient plus passif et n’est pas une solution efficace à long terme. « Les voix font partie d’un état persistant avec lequel il faut apprendre à vivre », poursuit Cozzaglio.

Les personnes qui ont ce type d’hallucinations entendent généralement des dizaines, voire des centaines de voix en même temps. Certaines sont étouffées, d’autres distinctes. Certaines appartiennent à des personnes qu’elles connaissent dans la vie, d’autres à des étrangers. Les déchiffrer et les distinguer est une étape clé pour faire face à cette situation. 

La première chose à faire est de comprendre si le patient perçoit une voix comme intérieure ou extérieure. « Lorsque les voix sont des pensées obsessionnelles perçues comme venant de l’intérieur, la personne qui les entend aura tendance à s’automutiler pour essayer de les faire cesser », explique Contini. Si les voix sont perçues comme extérieures, cela peut rendre le patient en colère contre les autres. « Si vous entendez votre mère vous rabaisser constamment, il est normal que vous soyez agressif envers elle, même si la raison n’est clairement pas réelle », poursuit-elle.

Contini travaille principalement avec des enfants et des adolescents. « En général, les voix arrivent quatre ou cinq ans après le traumatisme initial, dit-elle. Il est beaucoup plus compliqué de travailler avec des adultes, car ils négligent leurs symptômes et ont tendance à dresser des barrières psychologiques difficiles à franchir. » C’est pourquoi il est important de sensibiliser les gens. En raison de la stigmatisation qui entoure les hallucinations auditives, les personnes qui en souffrent ont souvent tendance à se refermer sur elles-mêmes et à repousser les proches et les thérapeutes qui essaient de les aider.

Les voix ne sont « rien de plus que l’amplification de certaines parties de l’individu », explique Bocci. Elles dépendent de votre expérience subjective, de vos relations, de vos émotions et du contexte culturel. Bocci qualifie sa méthode de « diagnostic émotionnel » car elle se concentre sur l’identification du traumatisme à l’origine des hallucinations, sur la compréhension des sentiments qu’il a générés et sur la façon dont le patient les a interprétés. Quant à Contini, elle veut que les gens sachent qu’il est possible de vivre une vie riche et épanouie tout en entendant des voix – elle en est l’exemple.

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