Mudbath – Avignon by night.
Koh-Lanta est sans conteste ce qui est arrivé de mieux à la télé-réalité française. Pourquoi ? Parce que tout y est peut-être maquillé, ok, mais tous les gens qui y participent sont vrais. Adaptation de Survivor, concept inventé en 1992 par le producteur anglais Charlie Parsons, elle a été tournée pour la première fois pour une chaîne suédoise en 1997 sous le nom d’Expédition Robinson (super, les mecs). On est bien loin de la ferveur d’un Denis Brogniart en chemise de colon sommant des « aventuriers » exténués de chercher un putain de coquillage dans une forêt de 50 hectares par 45°. C’est désormais une marque de fabrique. Et puis, après douze saisons au succès intact, le drame s’est produit. En mars 2013, le tournage de l’émission au Cambodge stoppe brusquement : un candidat meurt après une épreuve (alors, on ne vous entend plus les complotistes du « tout est scénarisé »). L’affaire crée la polémique et le médecin de l’émission se suicide dix jours plus tard. Denis est en deuil. Le temps passe et après un an et demi d’absence, l’émission revient enfin dans sa forme habituelle, ce soir.
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Pour fêter ça et la sortie de leur deuxième album Corrado Zeller, nous avons demandé à Mudbath (« Bain de boue » en français), le meilleur groupe sludge d’Avignon et grands fans de l’émission, de nous parler de leur survie au sein de la galaxie du metal français, qui équivaut à peu près à un mois passé sans bouffer sur une île infestée de moustiques et de gens relous. Trois d’entre eux se sont exprimés, Flo, Marco et Luke, debout sur un poteau au milieu du Rhône, en plein soleil, pendant une heure.
Noisey : Présentez-vous.
Marco [bassiste] : Apparemment, il y a un petit décalage entre la manière dont les gens nous imaginent et ce qu’on est vraiment.
Luke [batterie, chant] : Comme tous les musiciens doom, nous sommes des êtres uniquement spirituels et donc sans aucun attribut physique. Cela dit, ça ne nous empêche pas de tous avoir un métier – on est peut-être intangibles mais on n’est pas des branleurs non plus.
C’est quoi l’endroit le plus sauvage où vous avez déjà foutu les pieds ?
Marco : La Ferme de Mauriac. C’était à l’occasion de la première date de notre première tournée, en novembre 2012. Biquette, la fameuse chèvre fan de grindcore (R.I.P.), pourchassait un berger allemand, un mec un peu spécial essayait de démontrer qu’on était talibans et deux meufs sous ecsta’, qui s’étaient pointées avec leurs gosses, essayaient de démontrer qu’on devait absolument les enculer. On a enculé personne mais c’était une belle soirée.
Le truc le plus extrême qui vous soit arrivé ?
Marco : Après notre concert à Zagreb, y’a un gars qui a timidement abordé Mika, notre guitariste, pour lui demander son médiator. On a eu du mal à s’en remettre.
Flo [guitariste, chant] : Gratter, avec une prothèse de bras, l’épaule d’une nana qui s’était faite recoudre le sien suite à un accident de moto. On n’était pas au courant, évidemment.
Luke : Je me suis cassé le bras en roller quand j’avais 12 ans.
Qu’est ce qui vous fait le plus flipper : les reptiles, les insectes ou les humains ?
Marco : Les douaniers avec des têtes de crotale.
Flo : Les douaniers reptiliens.
Luke : Mudbath n’a peur de rien – sauf des douaniers, apparemment.
La colocation, qu’elle soit dans un 3 pièces à Avignon ou sur une île indonésienne, pour ou contre ?
Marco : Pour. Avec Flo, on louait une baraque de 100m2 en plein cœur d’Avignon pour 350 balles par mois chacun. Y’avait une grande pièce — avec un putain de puits — dans laquelle on organisait des concerts harsh noise. C’est Sanair qui trouvait les groupes. Ça nous manque un peu. Faudrait voir le prix du mètre carré sur une île indonésienne.
Flo : J’ai habité avec Félix (notre ancien chanteur), Luke a squatté chez nous 2 mois ; puis j’ai été en coloc’ avec Marco, et je suis désormais le voisin de Mika. L’île indonésienne, on y pensera pour notre retraite.
Vous mettriez qui comme groupes français sur « l’île des bannis », et pourquoi ?
Marco : Verdun, pour qu’ils lâchent leur flipper et prennent le temps de composer leur putain de LP.
Flo : Michel Anoia pour qu’ils se mettent au doom.
Luke : Cobra, pour qu’ils enseignent les vraies valeurs à tous les bannis déjà sur place qui vivent dans l’ignorance.
L’empereur de la mangrove : Denis Brogniart
Combien de points street cred’ (enfin jungle cred’) vous remettriez à Denis Brogniart, et sur quel barème ?
Luke : Je lui donne deux sourires et trois sachets de popcorn. Bien joué Denis.
Marco : Il a pas l’air méchant comme mec. Sur l’échelle ouverte de Julien Lepers, je lui mets 2. Lepers, tu sens qu’il a plusieurs jnouns en lui. C’est le genre de type trop excité pour être sur une île déserte, qui frotte ses couilles au totem d’immunité pour faire des étincelles.
Ce serait quoi l’immunité ultime pour vous en tant que musiciens, ce qui vous ferait vous retirer en paix.
Luke : 8 chiffres minimum.
Vous pensez rendre le flambeau du metal un jour ? Pour faire quoi ?
Marco : Pour monter un cover band de tous les projets dans lesquels était impliqué Rob Crow.
Flo : Si par malheur je dois le rendre, ce serait pour fabriquer les décors scéniques de King Diamond. Ou dessiner Doro chevauchant Shenron.
Luke : Si on me propose de jouer dans un vrai groupe où l’on se fait sucer, je me barre de suite.
Vous voterez contre qui au prochain conseil ?
Marco : Contre tous les petits chiens de la casse qui font la gueule quand on met « Alarma » de 666 en after. Cassez-vous.
L’ultime et fatidique « épreuve des poteaux »
À la place du médecin, vous vous seriez suicidé après cette polémique qui a inquiété l’émission ?
Luke : Pourquoi pas, oui. Le mec avait un bac + 8 alors c’était sans doute le bon choix.
Marco : Bien sûr que non ! Le type a mal calculé son coup, il aurait pu se servir de cette épreuve pour intégrer le prochain casting de Secret Story. « Mon secret ? J’étais le médecin de Koh-Lanta et puis… c’est un peu parti en couilles. »
Quel est votre candidat(e) préféré(e) de toutes les saisons de Koh-Lanta ?
Marco : Je t’aurais bien dit Moundir mais vu l’électorat qu’on se paye dans le Vaucluse, j’ai peur des représailles contre nos familles.
Flo : Je te dis Moundir car lui, au moins, il est toujours en vie. Et il n’a pas eu peur de s’incruster dans Les Marseillais en Thaïlande.
Mudbath – En live
Finalement, 40 jours de Koh-Lanta c’est un peu l’équivalent d’une tournée d’un mois et demi dans le circuit sludge, nan ?
Marco : Je sais pas. Koh-Lanta ça se passe toujours en été, non ? J’aimerais bien voir ces mecs évoluer dans des squats en plein hiver. Mais c’est pas la tournée le plus dur. La phase de composition et d’enregistrement de notre dernier disque, Corrado Zeller, était plus tendue qu’une réunification entre les jaunes et les rouges. Et la seule raison pour laquelle on ne s’est pas mis sur la gueule, c’est parce qu’on était trop défoncés.
Flo : Bouffer du riz, se laver dans la mer, se faire piquer par des moustiques géants et devoir faire une épreuve d’immunité par jour… Physiquement ça doit ressembler à manger chez Mc Do tous les midis, se défoncer dans un van, ne pas se laver et faire un concert chaque soir pendant 1 mois. Ouais, en fait t’as raison.
Luke : À Koh-Lanta, y’a des meufs au moins.
Bon, et ce morceau de votre premier EP, « Smells Like Teen Cunt », dites-moi tout, qu’est ce qui s’est passé ?
Marco : Pour être tout à fait franc, « Territorial Cunts » ou « Something in the Cunt », ça nous parlait beaucoup moins.
Flo : Il faudrait demander à notre ancien chanteur, je pense qu’il est d’ailleurs parti parce qu’il ne supportait plus le fardeau engendré par ce titre.
Luke : C’est du marketing avant tout. Avec le nombre de mecs qui tapen Teen Cunt” sur Google tous les jours, t’en as forcément qui tombent sur notre Bandcamp. Et maintenant, ils tomberont sur Noisey aussi. De rien.
Rod Glacial ne rend pas son flambeau. Il est sur Twitter.