Avant de partir pour la Californie, la photographe Kate Ballis, originaire de Melbourne, avait dans l’idée de capturer une nouvelle facette d’un endroit qu’elle avait visité déjà tant de fois auparavant. Elle espérait trouver quelque chose d’inattendu dans les paysages du parc national de Joshua Tree et de Palm Springs, qui lui étaient devenus si familiers. Elle s’est donc tournée vers la photographie infrarouge couleur, une technique qui a bien failli disparaître avec l’épuisement des stocks de pellicules infrarouges, avant de reprendre du souffle grâce aux appareils photo numériques.
Les images de Kate sont oniriques, quoiqu’un peu étranges – comme si elles avaient été capturées dans un paysage étranger, où le ciel aurait viré au rose et l’eau au rouge sang. L’effet sur la vie végétale est peut-être le plus frappant. Les arbres, l’herbe et les plantes se reflètent sur la lumière infrarouge comme la neige se reflète sur la lumière visible.
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Suite au lancement d’Infra Realism à Melbourne le 5 octobre dernier, VICE a discuté avec Kate afin de savoir comment lui est venue l’idée de photographier en infrarouge, mélangeant de fait la science et l’art.
VICE : Bonjour, Kate. Ces paysages capturés en infrarouge sont incroyables. Comment avez-vous eu cette idée ?
Kate Ballis : La photographie infrarouge m’inspire depuis que j’ai vu le spectacle de Richard Mosse à la Biennale de Venise, en 2013. Son travail avait été filmé et photographié sur un film infrarouge traditionnel. Cela me semblait être l’outil parfait pour mon voyage à Palm Springs en février dernier.
Quelle impression vouliez-vous donner avec cette série ? Les images semblent presque… angoissantes.
Je voulais donner l’impression d’un autre monde en montrant un spectre de lumière qui est invisible à l’œil humain, mais j’avais tout de même un peu peur des couleurs audacieuses que prennent les feuillages lorsqu’ils sont photographiés à l’aide d’un appareil infrarouge et de filtres. Mais à force de jouer avec les filtres et les techniques, j’ai développé quelque chose qui ressemblait, selon moi, à la Californie des années 1980. La série a rapidement pris forme et le jeu de couleurs a commencé à dicter le sujet.
La photographie infrarouge a-t-elle toujours ce côté années 1980 ou avez-vous volontairement donné cet aspect caractéristique ?
Le film infrarouge traditionnel rend les feuillages roses ou blancs. Il existe ensuite de nombreux filtres pouvant varier la couleur des plantes en fonction des différentes balances blanches. Chacune répond au spectre infrarouge différemment.
Vous avez dit que les plantes émettent des couleurs audacieuses avec l’infrarouge. Que se passe-t-il, que voyons-nous ?
Cela dépend du filtre infrarouge. Plus la plante est saine, plus elle émet de couleur. C’est pour ça qu’il est aussi intéressant de voir des plantes hyper saines en plein milieu de Palm Springs, à savoir un désert pouvant atteindre les 50 degrés.
Quand on regarde vos images, elles sont très caractéristiques de la Californie – et ce, malgré les couleurs déformées. Était-ce volontaire ?
Palm Springs est un peu comme ma deuxième maison. J’y suis allée huit fois au cours des quatre dernières années et j’y retourne dans quelques semaines. Tout ce que je sais, c’est que je voulais montrer la Californie, en particulier Palm Springs, sous un nouveau jour. Mais quand j’ai créé ce jeu de couleurs, je n’avais pas conscience qu’il était aussi emblématique des années 1980 en Californie, et donc parfaitement adapté pour Palm Springs. Le jeu de couleurs est si familier qu’il peut servir de code pour interpréter ce qui serait autrement un paysage déformé.
Envisagez-vous de continuer de travailler avec la photographie infrarouge, ou avez-vous envie d’essayer quelque chose de complètement différent ?
J’ai pris des photos en infrarouge dans le désert d’Atacama, au Chili, ainsi qu’en Bolivie. Je vais prendre des photos à Palm Springs et dans d’autres parcs nationaux américains plus tard ce mois-ci, et toutes ces photos seront réunies dans un livre qui sera publié l’année prochaine. Après ça, j’aimerais explorer l’Angleterre et la Grèce. Je verrais donc comment ces paysages répondent à l’infrarouge. Je parle de la narration – j’aime trouver un style photographique ou artistique qui correspond le mieux à l’histoire. Alors, qui sait ce qui viendra ensuite !
Rendez-vous sur le site de Kate pour voir plus de photos.