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Range Tes Disques : Les $heriff

Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads, le label Fat Wreck Chords, New Order, Ride, Jean Michel Jarre, Blur, Mogwai, Ugly Kid Joe, Anthrax, Onyx, Christophe, Terror, Katerine, Redman, Les Thugs et Moby, c’est au tour d’Olivier Tena, chanteur et membre constant du groupe Les $heriff de classer leurs disques, de celui qu’il trouve le moins bon, à celui qu’il considère comme le meilleur.

Avant de se lancer, Olivier a choisi d’exclure deux enregistrements live : le dernier paru, Bang ! (2014), et son prédécesseur, Du Poudron et des Glumes (2007).

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Noisey : Tu n’assumes pas Du Poudron et des Glumes ?
Olivier Tena : Je n’étais pas du tout au courant de la sortie de ce truc ! C’est Manu, le batteur, qui l’a fait de son côté quand le groupe a arrêté. Il m’a écrit pour me le dire… quand le disque est sorti. Bon, il a bien fait : ce live est très bien. Mais il y a déjà deux lives parus plus tôt.

Pourquoi exclure les deux lives les plus récents ?
Pour moi, ils sont en quelque sorte hors $heriff. C’est difficile de les mettre dans le même classement que tous les autres. Disons qu’ils sont hors catégorie.

Bang !, le dernier en date, c’est quand même le témoignage de votre come-back !
C’était pour l’anniversaire des quinze ans de la TAF, une asso de Montpellier dans laquelle il y a Michel, bassiste des $heriff, et beaucoup de gros fans du groupe. Cela faisait des années qu’ils nous tannaient. Manu et Michel sont venus me voir tous les deux et m’ont fait la proposition de faire ce concert. J’ai hésité, puis je me suis dit qu’on n’avait pas fait de concert d’adieu. C’est surtout ça qui me faisait chier. J’ai répondu : « Allez, d’accord on y va. Mais il faut le faire bien ! » Du coup, c’est vrai qu’on a répété longtemps. Je n’avais plus jamais chanté. Quand on a repris, je l’ai senti. Aux premières répètes, au bout de deux morceaux, je n’avais plus de voix. Ça a été rude.

Ce coup unique s’est quand même métamorphosé en vraie reformation des $heriff ?
On a attendu deux ans, mais c’est vrai que c’est Bang ! qui a fait qu’on a repris. Sortir le disque, cela impliquait de faire une tournée derrière pour le vendre un peu ! Et quand j’ai vu les images du DVD, je me suis dit que ça aurait été trop dommage de ne pas le sortir.

9. PAN ! (1987)

Bon, votre tout premier disque. Attention, on n’a pas demandé un classement chronologique, hein !
Ça va presque être ça ! Pour moi, l’album le plus mauvais, c’est celui-ci. Les morceaux sont bons, mais il est très mal produit. Pour moi, il est inécoutable. Déjà, à l’époque, on était très mauvais techniquement. Et puis on a été enregistré par un un jazzeux. Même si Christophe Sourice des Thugs était présent comme producteur, l’ingénieur du son, c’était un jazzeux. Moi, par exemple, il m’a fait chier à chanter avec un Neumann, ce genre de micro que tu mets au milieu de la pièce et qui enregistre tous les sons, même une souris qui passe dans le coin. Ça, pour moi, ce n’était pas possible.

On a parlé très vite de vous comme étant « les Ramones français », non ?
Au début, c’était – presque – voulu de notre part. Avant Les $heriff, on jouait tous dans le groupe les Vonn, mais on s’était fait éjecter parce qu’on était trop mauvais musiciens. Alors on s’est mis ensemble, tous les mauvais, et on s’est mis à faire beaucoup de reprises des Ramones parce que c’était facile de jouer des morceaux comme « I Don’t Care ». Puis on s’est dit, « allez, on va faire une parodie des Ramones » ! C’est un peu parti comme ça.

Vous n’avez pas poussé l’imitation jusqu’à vous baptiser Olivier $heriff, Michel $heriff, Manu $heriff, et tutti quanti, comme les faux frères Ramones ?
On a hésité mais on ne l’a pas fait.

On retrouve déjà l’orthographe spéciale de votre nom avec le signe dollar pour le S, et pas de s à la fin pour marquer le pluriel…
Pas de S à la fin, c’est parce qu’on voulait une écriture internationale. Deux F, c’est déjà beaucoup : un S en plus ça faisait trop. Le S barré, c’est une trouvaille graphique. D’ailleurs, cette pochette du premier album, je la trouve super. C’était mon premier 33 tours, quand même ! A l’époque, il n’y avait pas de CD. Quand je l’ai reçu, putain, je l’ai regardé pendant au moins deux heures : « Waow ! J’ai fait un disque ! ».



8. LE GRAND, LE MAIGRE, LE PETIT ET LE GROS (1989)

Là, c’est le délire western poussé au maximum.
C’est mon grand frère qui a fait la pochette. Il est photographe et vidéaste, et il jouait dans le premier groupe que l’on faisait justement, les Vonn. Pour cet album, il était parti dans le délire photo sépia pour faire d’époque. On s’est marrés. Bon, parce qu’ on est « western » mais western spaghetti, hein. C’est pour déconner.

Votre label du moment, Gougnaf Mouvement, était établi sur Angers : cela a-t-il aidé à vous faire un réseau ?
Oui, c’est comme ça que l’on a rencontré Les Thugs, les Happy Drivers, toute la scène. Pour nous, c’était la « Angers Connection ».

7. 3, 2 ,1… ZERO (1988)

Ah, déjà éliminé ? Je pensais que c’était l’album avec lequel vous aviez commencé à avoir un peu de succès médiatique, entre « Jouer avec le feu » et « Mayonnaise a gogo » ?
Non. C’était confidentiel, dans le punk français. On tournait beaucoup, mais plutôt dans des bars.

Il a fallu attendre que vous fassiez toutes ces premières parties : Wampas, Mano Negra… ?
La Mano ont fait leur premier concert en première partie des $heriff, devant environ 800 personnes. Six mois après, c’est La Mano qui nous invitait en première partie dans les arènes d’Arles devant 12 000 personnes ! Ça s’était inversé !

Quel rapport aviez-vous avec OTH, l’autre groupe punk rock phare de Montpellier ?
Pour nous, c’étaient les grands frères. Et les idoles. On était carrément venus après et on n’était pas tout à fait dans le même créneau.



6. SOLEIL DE PLOMB (1993)

Le premier morceau de cet album a justement été écrit pour vous par Spi, le chanteur d’OTH, c’est ça ?
Ouais. Enfin, il ne l’a pas vraiment écrit pour les $heriff. A l’époque, j’étais colocataire avec le bassiste d’OTH, et j’écoutais tous leurs premiers enregistrements sur de vieilles cassettes. C’est un groupe que je connais depuis leurs premiers concerts dans les MJC en 79 ! Et tous les morceaux jamais sortis en disque, il y en avait une pelletée, sur ces cassettes. Moi, je les écoutais tout le temps. Et il y avait ce morceau, justement, « À la chaleur des missiles ». J’adorais le texte. J’ai voulu le faire à ma façon. ET Spi m’a dit oui.

Votre son est devenu plus costaud sur cet album.
Voilà. Déjà, ça avait commencé à changer. On était passés à autre dimension. On allait enregistrer en Angleterre, ce n’était plus les petits studios montpelliérains.



5. ALLEGRO TURBO (1995)

Tu continues donc par ordre quasiment chronologique…
C’est un bon album. Enregistré en Angleterre, justement. Avec Harvey Birell, le mec de Therapy ?.

Vous sortiez des titres en single avec les $heriff ?
On faisait ça, mais c’était un single promo pour la presse et les radios. Un seul titre par album. Sur Soleil De Plomb c’était « Pas besoin d’un dessin », et sur celui-ci, je crois que c’était « Génération atomique ».



4. ELECTROCHOC (1998)

Celui-ci est votre dernier album studio…
Je le considère comme le dernier album des $heriff. Après la sortie dece disqque en 1998, on a fait une tournée française, puis on a fait une tournée en Italie en 1999, et on arrêté.

C’est-à-dire que vous n’avez jamais terminé cette tournée ?
Non. Le truc, c’est qu’en France, tout était nickel, on tournait dans des conditions confortables. Et on s’est retrouvés en Italie dans les conditions du tout début des $heriff : dans des squats, dans des bars, devant cinquante personnes qui ne nous connaissaient pas. On a fait deux concerts, on s’est tous regardés, et on s’est dit qu’on avait plus envie de ça. Alors qu’avant, au contraire, quand on allait en Allemagne ou en Espagne, là où on n’était pas connus, ça nous ressoudait vachement. Là, ça nous a bouffé. Le vrai rock’n’roll ne nous plaisait plus. Ça n’en valait plus la peine. On s’est dit : « on rentre à la maison ».



3. DU GOUDRON ET DES PLUMES (1991)

Ah ! Flashback ! Votre premier album enregistré justement avec Harvey Birrel en Angleterre… Sur cet album, il y a des plans avec du bottleneck, ce qui n’est pas très commun pour du punk rock. Du Goudron Et Des Plumes



2. PAGAILLE GENERALE (1996)

Eh bien, par élimination, on dirait que tu as gardé deux lives pour la fin… Après avoir éliminé deux autres lives au début. La boucle est bouclée.
Les meilleurs albums, pour moi, ce sont les lives.

Comment s’est fait le choix particulier des titres pour ce disque?
En fait, on a mis les morceaux qui n’étaient pas sur l’autre live. Ce sont les morceaux des deux albums précédents. On n’allait pas refaire un live avec encore les mêmes morceaux.

Votre formation bougeait pas mal à l’époque, non ?
On avait changé le batteur avant ce disque. Et dans la foulée, on a changé le guitariste.

Quasiment tous vos lives ont été enregistrés dans le sud, près de chez vous : à Montpellier, au Bikini à Toulouse, et là, à Caderousse.
Oui, près de Nîmes !

Votre public punk alterno avait d’ailleurs la réputation d’être difficile à gérer, n’est-ce pas ?
On n’avait pas trop de punks dans notre public. C’était plutôt des rockeurs. Il y avait des hardeux et deux ou trois créteux. Mais bon, il n’y avait pas de hordes de punks. Ce n’était pas le public des Bérus, tu vois.



1. LES DEUX DOIGTS DANS LA PRISE (1992)

Pour toi, c’est donc le meilleur…
Avec « Le Goudron… » , ce sont les deux albums qui nous ont vraiment fait connaître. Même si je n’écoute pas trop les $heriff, ce live, c’est le disque que je conseille d’écouter en priorité.

Sur le disque il est écrit « enregistré dans un bar en Bretagne », c’est vrai ou c’est une connerie ?
Ah, c’est vrai ! On a joué deux soirs dans ce bar. Je ne me souviens plus du nom, mais c’était un grand bar, hein, avec 300 ou 400 personnes. L’album est un mix des meilleures prises de chaque soir. En plus, à cette époque, on bossait comme des brutes. On jouait vite et carré.

Vous est-il arrivé de tomber sur des anciens punks bretons qui vous ont dit « j’y étais ce jour là » !
Non, jamais. Les gens n’ont jamais trop su où il était, ce bar. Même moi, je ne sais plus où c’était. Par contre, des gens m’ont dit « je suis sur la photo », en parlant de la pochette. Mais la photo n’a pas été prise dans le bar en Bretagne, mais à Toulouse, au Bikini !

C’est plutôt rare de citer un live dans ses disques de référence…
Eh ouais. Parce que c’est très dur de faire de bons lives. J’en connais pas des masses. Et nous, je pense qu’on l’a réussi. Pour moi, la référence, c’est It’s Alive des Ramones. C’est comme pour les $heriff : si quelqu’un veut connaître les Ramones, je lui dis d’écouter It’s Alive !

Enchaîner à la Ramones, c’est aussi une de vos marques de fabrique…
C’est les Ramones qui ont commencé, mais je pense que c’est pour la même raison que nous. Nos morceaux sont très courts. Si on s’arrête pendant trente secondes après un morceau de deux minutes, il faut refaire monter la sauce pour le morceau suivant. On s’est aperçus que c’était une catastrophe et qu’il fallait faire des packs de morceaux d’une dizaine de minutes, pour pouvoir maintenir une intensité très forte et agripper notre public.

Guillaume Gwardeath agrippe son public sur Twitter.