Photo – Piper Ferguson.
Contrairement à My Bloody Valentine, qui a du batailler pendant de longues années avant de se trouver un son et un public, Ride ont explosé dès leur arrivée. Formé en 1988 à Oxford par Mark Gardener (chant/guitare), Andy Bell (guitare), Steve Queralt (basse) et Loz Colbert (batterie), le groupe signera sur Creation en 1989 et se fera immédiatement remarquer en sortant pas moins de trois maxis durant les neuf premiers mois de 1990, dont deux se classeront dans le Top 40 anglais. Un carton confirmé en octobre de la même année, avec la sortie de leur premier album, Nowhere, qui se hissera à la 11ème place des charts et contient ce qui, aujourd’hui encore, est considéré comme un des morceaux les plus emblématiques de la scène shoegaze (« Vapour Trail »). Moins d’un plus tard, Ride transformera l’essai en faisant entrer son nouveau single, « Leave Them All Behind », morceau épique de plus de 8 minutes, directement dans le Top 10, ce qui lui vaudra un passage à Top Of The Pops.
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Mais c’est après ce deuxième disque, Going Blank Again, que les choses vont commencer à tourner au vinaigre. Pour son troisième album, le groupe choisit de travailler avec John Leckie, connu pour avoir produit le premier album des Stone Roses, et le jeune Nigel Godrich (Radiohead, Beck), et surtout d’abandonner les longues traînées de fuzz et les murs de larsens pour un rock plus classique, influencé fin 60/début 70. Carnival Of Light sera extrêment mal reçu par la critique et mènera tout droit au désastre Tarantula—un album renié par le groupe et par Creation, qui sera retiré de la vente une semaine après sa sortie—et à la fin de Ride. Gardener formera Animalhouse un an plus tard, avant de se consacrer à une carrière solo et à la production. Bell continuera sur Creation avec Hurricane #1, puis en rejoignant Oasis et Beady Eye, en tant que bassiste. Queralt jouera un moment avec un groupe reggae, Dubweiser, avant de partir s’occuper de sa famille. Colbert, lui, continuera la batterie, d’abord avec Gardener dans Animalhouse, puis avec Gaz Coombes de Supergrass et The Jesus And Mary Chain.
Aujourd’hui, près de 20 ans après sa séparation, Ride est officiellement de retour. Une reformation confirmée en novembre dernier via une gigantesque toile sur un immeuble, en Espagne, annonçant leur venue au festival Primavera, le 29 mai prochain. D’ici là, le groupe passera par Glasgow, Manchester, Londres, Amsterdam et Paris, dans pile une semaine, à l’Olympia. On en a profité pour coincer Mark Gardener à Los Angeles, quelques jours avant le concert du groupe à Coachella, pour parler du retour de Ride, de ce qui a causé leur séparation en 1996 et des projets du groupe pour les années à venir.
Noisey : Vous avez donné votre premier concert de reformation, chez vous, à Oxford, il y a un peu plus d’un mois. C’était comment ?
Mark Gardener : C’était génial. Une soirée que je n’oublierai jamais. On a beaucoup joué ensemble par le passé, bien sûr, mais on attendait vraiment ce concert depuis longtemps—quasiment trois ans—et la route a été tellement longue et chaotique depuis notre séparation en 1996… C’était au-delà de tout ce que je pouvais imaginer. On a joué à Oxford, devant tous nos potes et quelques proches, mais il y avait des fans aussi. Des gens sont venus de Philadelphie, d’Italie, de France. On a fait ça dans la salle où on répétait à l’époque et où on a composé « Dreams Burn Down ». C’est dans cette salle aussi qu’on a vu pas mal de groupes quand on était ados, comme Shake Appeal, qui sont ensuite devenus Swervedriver. Pendant le premier morceau, j’ai du me reprendre un peu – j’ai senti les larmes me monter aux yeux sur la fin de « Polar Bear ». Mais ça s’est bien passé. Andy s’est ouvert un doigt. La dernière fois que ça lui est arrivé, c’était pendant le dernier concert de Ride. [Rires] C’est un bon signe.
Vous vous êtes pas mal préparés pour ce premier concert. Vous avez beaucoup répété, revu certains morceaux…
On sait qu’avec les reformations, c’est quitte ou double. Si tu ne reviens pas très fort, à un niveau au moins égal à celui que tu avais quand le groupe s’est arrêté, tu cours droit à la catastrophe. Du coup, on a passé pas mal de temps à revoir plein de petites choses, à mettre à jour notre matos, changer quelques pédales, retrouver des guitares vintage – ça nous a regonflé pour la suite. Ce qui est excitant, c’est de savoir qu’on a maintenant quelque chose de vraiment solide à proposer aux gens, un truc qui se place vraiment un cran au-dessus de ce qu’on a pu faire par le passé. On a également beaucoup répété, chose qu’on ne faisait pas vraiment à l’époque. J’ai passé ma vie en studio ces 15 dernières années, Andy a énormément tourné avec Oasis et Beady Eye, et Loz a joué avec The Jesus And Mary Chain, donc on a pas mal évolué en tant que musiciens. C’est vraiment le début d’un nouveau chapitre pour Ride. On avait pas mal de gens hyper honnêtes et exigeants au concert d’Oxford, des gens comme John Leckie, et ils ont adoré.
Si j’en crois les vidéos sur YouTube, ça avait l’air génial, en effet.
Et maintenant on va devoir reproduire ça aux quatre coins du monde ! Je les ai même pas vues ces vidéos. [Rires] T’as un train d’avance sur moi. On a un nouveau système de retours, aussi. C’est la première fois depuis les débuts de Ride que j’entends la voix d’Andy, sans même parler de la mienne ! Et vu qu’on chante en harmonie, c’était souvent problématique. C’était important de revenir au top, parce qu’on ne veut pas perdre ce qui faisait la force et l’intérêt de Ride. Et je pense que sur bien des points, on est aujourd’hui meilleurs qu’à l’époque.
Il y a des morceaux qui ont été plus durs à reprendre que d’autres ?
Oui, quelques-uns, comme « Cool Your Boots », qu’on jouait assez rarement à l’origine. Ça a demandé plus de travail que, par exemple, « Like A Daydream », qui est plus direct, ou « Dreams Burn Down », qu’on a repris à la perfection dès la première répète. Il y en a aussi qu’on n’avait jamais joué, comme « Black Nite Crash », qu’on a du apprendre pour la première fois. Notre set est principalement basé sur les deux premiers albums mais on avancera un peu dans le temps, au fur et à mesure.
Qui est-ce qui, le premier, a eu l’idée de cette reformation ?
Je pense que c’est moi, même si tout le monde dans le groupe y pensait depuis plusieurs années. Les fans nous posaient la question sur les réseaux sociaux depuis un moment. On a eu pas mal de propositions, notamment de la part de festivals. Loz et moi, on vit toujours à Oxford, donc on se voyait très régulièrement. Par contre, Andy et Steve, eux, étaient à Londres. Il y a 3 ans, on s’est retrouvés tous les quatre, peu après la mort de mon père, et on en a parlé. Tout le monde était partant, mais Andy était à fond dans le deuxième album de Beady Eye, Loz était en tournée avec The Jesus And Mary Chain, j’avais pas mal de boulot de production… Et puis le bon moment a fini par arriver. Je ne suis donc pas le seul responsable, mais je crois que j’ai été le premier à en parler.
J’imagine que le split de Beady Eye a du pas mal arranger les choses.
Oui, c’est vraiment le truc qui a décidé Andy. Et je dois rendre hommage à ces mecs, parce qu’ils l’ont soutenu à fond dans ce projet de reformation. Peu après qu’ils aient signé sur Creation, Oasis sont venus jouer à Oxford et on a fait la fête avec Liam et Noel, on leur a fait visiter la ville, tout ça. Ils étaient fans de Ride, ils nous ont dit qu’ils avaient utilisé « OX4 » sur leur message de répondeur pendant des années. On a joué ensemble peu de temps après et Noel m’a sorti : « Heureusement qu’on est putain de bons, parce que vous, vous défoncez ». Bref, il y avait un respect mutuel entre les deux groupes. Quand Andy a rejoint Oasis, ça m’a surpris mais parce qu’il jouait de la basse, pas parce qu’il était dans Oasis. Je n’aimais pas du tout la Britpop, mais j’adorais les deux premiers albums d’Oasis. Ils sont géniaux.
En 2001, Ride s’est brièvement reformé pour Pioneers, un documentaire télé sur Sonic Youth. Vous avez enregistré une improvisation de 30 minutes pour l’occasion. Vous pensiez déjà à vous reformer à l’époque ?
Pas du tout. Je vivais en pleine campagne, en France, Andy était dans Oasis… C’était cool de se retrouver pour rendre hommage à Sonic Youth, mais ça n’allait pas plus loin. Surtout pour moi, qui avait bougé en France, après avoir passé plusieurs années à bourlinguer, en Inde, notamment. Je tentais de me réconcilier avec mon passé… Quand tu vis un truc comme Ride, une fois que c’est fini, tu t’imagines que ça va continuer pareil ensuite. Sauf que non, les choses se passent différemment et tu commences à te poser des questions. Ma maison était devenue un night club permanent, il fallait que je m’évade.
Tu penses que Ride s’est séparé trop tôt ? Ou est-ce que vous pensiez, au contraire, être allés au bout du truc ?
On ne se posait pas la moindre question. On n’a jamais eu l’impression que Ride était notre job et c’est pour ça que c’était génial—tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Et c’est ce qu’il s’est passé. Quand on a compris que l’avion s’était écrasé, on est partis chacun de notre côté. Beaucoup de groupes s’écrasent mais refusent de l’admettre et continuent quand même. Je reste persuadé que c’est le public qui décide de ça. Nous, les musiciens, on ne capte rien, franchement. On essaye juste du mieux qu’on peut avec notre musique et les gens qui l’écoutent. C’est ce qui me plait dans la musique, ce n’est pas une science exacte. Il arrive parfois qu’un type de musique touche un certain nombre de gens à un moment donné. C’est pour ça que Ride a marché. Tu peux avoir le même son que nous mais si les morceaux ne sont pas là, ça ne marchera pas. J’ai joué pas mal de morceaux de Ride quand je jouais seul en acoustique et, même réduits à leur plus simple expression, ils fonctionnaient.
J’ai eu l’occasion de voir My Bloody Valentine, Swervedriver et Slowdive sur scène ces dernières années. Est-ce que la reformation de ces groupes a joué un rôle dans le retour de Ride ?
Un peu, oui. Parce qu’avant que ces groupes là ne reviennent, j’avais vu quelques reformations et—je ne citerai pas de noms—la plupart ne fonctionnaient vraiment pas, selon moi. Mais j’ai vu My Bloody Valentine et c’était génial. Bien meilleur encore qu’à l’époque. Idem pour Slowdive. J’ai fait la première partie de leur concert secret à Londres l’an dernier, tout seul, en acoustique. J’ai toujours adoré Slowdive, on a pas mal tourné ensemble aux USA dans les années 90. Mais leur son est aujourd’hui plus solide que jamais sur scène. Eux aussi sont revenus meilleurs qu’ils ne l’étaient déjà.
Donc oui, ça a joué un rôle. Quand je tournais en acoustique, les gens me demandaient sans arrêt : « Alors, il se passe quoi avec Ride ? Nous, on a jamais eu l’occasion de vous voir ! Et il y a des tas de gens dans le même cas que nous ! » Et puis les festivals commencent à te faire des propositions plutôt intéressantes. Et puis, on avait tous le sentiment de ne pas être allés au bout de l’histoire. Bref, tout ça mis bout à bout, ça a donné la reformation de Ride.
Tarantula est un disque totalement à part dans votre discographie. Il ne sonne comme aucun des trois autres et vous vous êtes séparés quasiment au moment de sa sortie.
Je ne me souviens plus de grand chose de cette période, je dois t’avouer. Je n’allais déjà pas très bien et la séparation m’a achevé. Ce disque était un peu le dernier de mes soucis et il n’a pas été en vente très longtemps. On venait d’arrêter le groupe, je m’étais très peu impliqué dedans… J’ai bougé aux USA peu de temps après, j’étais complètement dans le gaz. Je ne savais plus trop quoi penser. Je crois qu’on était tous dans le même état.
Les deux derniers disques de Ride se sont clairement éloignés du son shoegaze. Si Ride devait enregistrer de nouveaux morceaux aujourd’hui, ça sonnerait comment ?
Pour moi, la base de Ride c’est la basse de Steve. Il jouait dans un groupe reggae/dub avant Ride, et c’est pour ça qu’on est allés le chercher, pour obtenir ce groove. En ce moment, j’écoute Brian Jonestown Massacre, mais aussi des trucs comme Moderat ou Bonobo. Andy écoute énormément de choses différentes, pareil pour Loz. Donc, je pense qu’il y aurait pas mal de groove, ouais. Mais rien de dance, plutôt du groove un peu dégueulasse, à la 90’s. Enfin, ça reste difficile à dire. Là, je redécouvre la guitare et les effets, par exemple. Donc, qui sait ? Pour le moment, on se concentre sur les concerts. On verra où la suite nous mène. Je ne fais pas de projets à l’avance. Ça ne m’a jamais vraiment réussi. [Rires]
Ride sera à Paris, à l’Olympia, le mercredi 27 mai.
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