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Music

Watain sont toujours chauds bouillants

« Parfois, j’aimerais bien avoir un lance-flammes pour foutre le feu à la scène pendant le dernier morceau ».

La puanteur vous monte au nez dès que vous montez dans le bus. Ce n’est pas juste l’odeur de 14 ou 15 mecs dégueulasses entassés dans 20m2 qui vient vous ravager les narines, mais bien l’odeur d’un animal en putréfaction depuis plusieurs jours. C'est l'odeur de Watain.

A ce stade du championnat, vous connaissez évidemment toutes les histoires qui tournent autour du groupe suédois. Oui, les membres du groupe aspergent leur public de sang de boeur lorsqu’ils estiment qu'ils l'ont mérité. Oui, ces mecs portent les mêmes tenues de scène depuis 15 ans. Et oui, ils sont régulièrement accueillis à l’hôpital pour faire traiter leurs impétigos ou je ne sais quelles autres infections. Mais vous savez quoi ? On a passé un long moment avec eux à la toute fin de leur dernière tournée US, et ce moment était tout sauf désagréable ou effrayant.

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Le bus de tournée des Watain est garé dans l’allée, juste devant le Henry Fonda Theatre de Los Angeles. C’est là qu'a lieu ce soir la dernière date de leur tournée américaine, aux côtés de Revenge et Mayhem. Quand Erik Danielsson, chanteur et maître à penser du groupe, nous a fait monter dans le bus, on a failli trébucher sur plusieurs mecs évanouis devant la loge. Il y avait un mot accroché à la télé : « Salut les gars, j’ai dû oublier mon jean dans le bus hier soir. Si vous le trouvez, faites moi signe. » On s’est tourné vers Danielsson pour avoir des explications mais il a simplement répondu : « C’est le dernier jour de tournée, mec ».

Noisey : Cette tournée a répondu à vos attentes ?
Erik Danielsson : Ça s’est beaucoup mieux passé que prévu. On a tous une approche passionnée de ce qu’on fait. Le mot « extrême » correspond bien aux trois groupes de la tournée. On fait tous des trucs différents les uns des autres, mais ça a donné quelque chose de super massif et cohérent. Tout le monde a bénéficié de la présence de l’autre, et le public aussi. Je pense que c’est la meilleure tournée qu’on ait faite aux Etats-Unis. Les gens ont vraiment apprécié.

Vous avez toujours fait de bonnes tournées aux USA. La dernière fois, c’était avec In Solitude et Tribulation. La fois d’avant avec Behemoth, The Devil’s Blood et In Solitude.
Depuis le début, on essaye de faire les choses correctement. Après notre tournée européenne avec Dissection, on a compris à quoi notre show devait ressembler. Pour moi, ça reste la meilleur tournée qu’on ait jamais faite. Sur chaque tournée, chaque concert, on s'investit toujours à 200 %. Et c’est de toute évidence un truc que peu de groupes font. Tout le monde peut faire une tournée mais tous les groupes ne sont pas capables de faire des tournées mémorables. Nous, c’est notre but.

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Mayhem vous ont appris des trucs durant la tournée ? Ou bien ils vous respectent déjà trop pour vous filer des conseils ?
Eh bien, je ne sais pas si « apprendre » est le bon mot. Perso, j’ai réalisé que j’étais vraiment heureux de faire partie d’un groupe dans lequel les membres partagent un objectif commun. Je suis heureux de me dire que quand je suis en tournée, je suis avec mes frères et sœurs. On n’a pas tous cette chance. Mayhem a reçu un bel accueil chaque soir. Ils savent ce qu’ils font, et ils nous ont beaucoup inspirés à nos débuts. C’est clairement l’une de nos trois grandes références.

Je suppose que les deux autres sont Bathory et Dissection ?
C'est à peu près ça, ouais. Et on ne s’en est jamais cachés. Je suis fier de reconnaitre que l’œuvre de Mayhem a été une grosse source d’inspiration et de motivation quand on a commencé. Même aujourd’hui, Euronymous m’inspire toujours autant. Pour moi c’est l’un des grands visionnaires de la scène black metal.

Tu étais en contact avec lui avant qu’il ne soit tué ?
Non, j’étais trop jeune. J’ai commencé à m’intéresser au groupe quand il est mort, en fait. À l’époque, ça faisait la une partout en Suède et j'étais à fond dans le death metal. Et puis BAM, le black métal est arrivé et je me suis retrouvé complètement plongé dans le milieu. J’avais un album épais comme un annuaire rempli de coupures de journaux suédois et norvégiens. J’étais obsédé par tout ça, la musique, les groupes, toute cette noirceur. Il y a un symbole sur le poster de la tournée qui a une signification particulière pour Mayhem. J’ai eu une relation très particulière avec ce groupe, et je sais que si aujourd’hui leur show ressemble plus à un concert de Motörhead qu’à un concert de black metal, c’est pour une raison bien précise.

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Voir des groupes qu’on apprécie changer de style est souvent déstabilisant. C’est un peu ce que vous avez vécu avec le dernier album The Wild Hunt. On ne peut pas dire qu’il ait été aussi bien accueilli que Lawless Darkness, votre disque précédent.
Les avis étaient partagés et personnellement, ça me va. Tu produis quelque chose qui provoque des réactions. Et une réaction, quelle qu’elle soit, reste quelque chose de positif. Je ne demande pas forcément aux gens d’aimer ce qu’on fait, mais je veux des réactions. Sinon, ça veut dire qu’on fait mal les choses.

Les réactions face à The Wild Hunt t’ont surpris ?
C’est difficile à dire car, aussi étrange que ça puisse paraitre, je me fous des critiques. La seule réaction dont je tiens compte c’est celle du public aux concerts. Et le public qu’on a chaque soir est incroyable. Je ne suis pas comme ces kids d’aujourd’hui qui lisent le moindre avis sur Internet, le cul vissé sur une chaise. En faisant ça, tu t’éloignes de la vérité. Parce que ce que tu feras par la suite deviendra une sorte de réponse adaptée aux critiques, pour obtenir des avis positifs la fois suivante. Je ne fais pas ce genre de choses. Je ne veux pas prendre part à tout ça. Je veux que notre création reste pure.

Ce qui a beaucoup marqué les gens sur The Wild Hunt, c’est le morceau « They Rode On ». C’était un morceau acoustique avec de vrais chants. Personnellement, j’ai trouvé ça fantastique mais ça n’a pas été pas l’avis de tout le monde.
Je pense que les gens ont été choqués d’entendre un morceau comme ça de la part d’un groupe de black metal. Pour nous, c’était peut-être aussi une manière de dire aux gens : « Watain n’a rien à prouver, on reste black metal malgré tout. » Watain est libre. C’est une communauté artistique libérée de toute emprise. Ce morceau c’était notre manière de dire, « on a nos propres règles, on n’obéit à rien ni personne. » Le morceau n’a pas été écrit avec cette idée en tête mais si on le place dans un contexte politique, avec un peu de recul, c’est le message qu’on a fait passer. J’adore ce morceau. Il n’est pas conçu pour le live, mais, tu sais ce qu'on dit, il ne faut jamais dire jamais.

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Vous allez prochainement sortir un album live en hommage à Bathory. Il a été enregistré en 2010 au festival Sweden Rock. C’était voulu de le garder au chaud pendant aussi longtemps ?
Ça fait un bout de temps que l’album est prêt, depuis notre 13ème anniversaire. Pour plusieurs raisons, ça a effectivement pris du temps. Le pressage de l’album s'est avéré problématique, on a annulé la commande au dernier moment en réalisant qu’on ne serait jamais dans les temps. Ensuite, on a fait d’autres trucs avec Bathory— d’ailleurs ce soir, leur premier batteur sera présent.

Bathory et le cirque du soleil.

Il n’y a pas longtemps, j’ai interviewé Freddan, le bassiste d'origine.
Au mariage du guitariste de Candlemass, j’ai joué « Sacrifice » avec lui. J’étais à la batterie, Hellbutcher et Tyrant de Nifelheim à la guitare et au chant, et Freddan à la basse. C’était la première fois, depuis Scandinavian Attack qu’il retouchait à une guitare. Avant qu’on ne joue le morceau, on se disait « Ok, on va jouer ce titre, mais on peut aussi lui couper les doigts et en faire le talisman le plus puissant du monde du black metal car ça fait une éternité qu’ils n’ont pas touché une guitare ! » [Rires] Ça va faire 11 ans que Quorthon [leader de Bathory] est décédé. Le 11 est un nombre significatif pour nous, donc on a décidé de sortir l’album pour la tournée scandinave, qu’on entame juste après celle-là.

Tu n’as jamais rencontré Quorthon, mais tu as l’impression que ça aurait pu être quelqu'un avec qui tu te serais entendu ?
Oui, dans le sens où c’était un putain de visionnaire qui n’a jamais rien laissé au hasard. Il savait ce qu’il voulait et il le faisait. Le concept de Watain vient de ce qu’on comprenait de Bathory quand on était plus jeunes : aucun compromis. Pourquoi faire les choses à moitié ? Fais les à fond ou ne les fais pas du tout. Le mec n’a jamais joué en live car il a réalisé qu’il avait besoin d’un million de dollars pour le faire. Il aurait fallu qu’il foute le feu à une salle entière, qu’il s’envole et qu’il balance des bombes sur les gens.

En parlant de feu, à chaque fois que Watain est venu aux USA, il y a eu un problème. On vous a même interdit d’allumer des bougies sur scène. Comment vous avez géré ce type de situations sur cette tournée ?
Il n’y a qu’en Californie où l’on n’a pas eu le droit de le faire. Si tu ne veux pas que je pète un câble, on devrait parler d’autre chose. Je dirais juste que les propriétaires de cette salle méritent une balle dans la tête. C’est tout ce qu’ils méritent. Ils n’accordent aucun respect aux artistes et à la musique. Ce sont juste des moutons qui répondent au politiquement correct et qui ne devraient pas se mêler de l'aspect artistique. J’ai eu des moments compliqués hier et avant-hier à San Francisco et Los Angeles. Les régisseurs des salles de concert sont les pires de tous. Ils te font une scène pour une toute petite bougie. Parfois j’aimerais bien avoir un lance-flammes pour foutre le feu à toute la scène pendant le dernier morceau. Tu vois l’état d’esprit dans lequel je suis aujourd’hui. En tous cas ce soir, peu importe ce qui arrive, il y aura des flammes.

Les grandes figures de la scène black ont toutes des pseudonymes. Pourquoi pas toi ?
C’est voulu. Tous les artistes dont on était fans avaient des noms de malade. À l’époque on a choisi de ne pas changer de nom car c’était une manière de dire que ce qu’on faisait, c’était vraiment nous, sans fard, sans artifices. On garde nos vrais noms parce que c’est nous qui faisons cette musique, pas nos alter-egos. Ton nom de famille fait partie de toi. J’aime cette idée même si c’est vrai que j’aimerais bien avoir un nom de scène cool. [Rires] Mais bon, je ne regrette rien, il y a quelque chose d'incommode là-dedans, et j’aime ça. J. Bennett met le feu partout où il passe, sauf sur Twitter.