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Ainsi se boit le maté

Si vous êtes déjà allés en Argentine, au Brésil, au Paraguay ou en Uruguay, vous avez probablement remarqué la petite gourde avec paille que tout le monde se trimballe comme un appendice naturel. Elle est pleine de feuilles de yerba mate, séchées, émiettées et infusées, qui sont consommées de manière compulsive par les habitants des pays du cône sud de l’Amérique Latine.

Dans cette région du monde, un petit maté bien préparé peut remplacer le café du matin ou le thé à l’heure du goûter. Les gens adorent en boire car les feuilles du yerba mate contiennent naturellement de la caféine – et sa consommation n’entraîne pas les palpitations cardiaques ou les coups de barre comme après certains kawas. Bien préparée, la boisson donne un bon coup de fouet et l’effet dure toute la journée.

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On parle de yerba mate pour désigner l’herbe séchée et simplement de maté pour la boisson en elle-même. Cette infusion énergisante est généralement consommée sans accompagnement. On la boit avec une paille qui s’occupe de filtrer la boisson pour laisser les feuilles au fond de la gourde. Comme pour la cérémonie du thé japonaise, préparer le maté est un art qui ne se résume pas à ouvrir un sachet en papier et à le balancer dans l’eau bouillante.

MUNCHIES s’est donc déplacé jusqu’au royaume du maté : les ruelles du marché de San Telmo à Buenos Aires. Chaque dimanche, du lever au coucher du soleil, artisans et commerçants tentent de vendre leur marchandise, munis uniquement de leur thermos d’eau chaude et de leur fidèle yerba mate.

Trouver du yerba mate qui tue

Pour faire un bon maté, il faut de fait du bon yerba mate. C’est l’ingrédient de base.

« Caco » a la soixantaine. Il est artisan et s’assied tous les dimanches à côté de son pote Nestor. Quand il veut faire une pause après avoir marchandé avec des clients, c’est là qu’il se boit un petit maté.

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Caco entrain de siroter un maté. Toutes les photos sont de l’auteur.
Du yerba mat

Son secret pour un maté parfait ? « é dUruguay. Vous imaginez bien que si même un Argentin dit ça, cest que cest vrai ! ». Il sourit de sa remarque qui souligne bien la rivalité historique entre les deux pays.

Le yerba d’Uruguay est meilleur car il n’a pas de palo, c’est-à-dire de tige centrale. « Les tiges ne servent à rien. Elles prennent de lespace et najoutent aucun parfum. Le yerba mate sans tige donne un maté plus savoureux et plus concentré. »

Cela dit, que vous soyez un habitué du maté comme Caco ou non, le goût du maté peut vite devenir un peu barbant – même si vous essayez d’y ajouter un peu de sucre. Heureusement qu’on est tombé sur un trio de choc pour nous apprendre encore deux trois trucs. Guadalupe est fleuriste et passe ses dimanches à servir des clients habitués et à papoter autour de matés avec ses voisines de stands, Estela et Rosa. Guadalupe est argentine, Estela brésilienne et Rosa paraguayenne.

Guadalupe nous conseille d’ajouter « une petite cuillère de café au maté pour lui donner plus de saveur ».

Estela nous donne son petit truc de Brésilienne : « Jaime bien ajouter un peu de zeste dorange ou de citron. »

Les trois femmes sont d’accord pour dire que la menthe et la citronnelle se marient particulièrement bien au maté.

Estela se rappelle du chimarrão, la version brésilienne du maté, généralement préparé au sud du pays.

Elle explique : « Le yerba nest pas pareil là-bas, il est très foncé. Alors quici il est plus sec, plus poudreux. Au Brésil, notre yerba est plus frais. » Elle parle beaucoup avec ses mains. « Nos tasses à maté sont énormes et nos pailles sont plus larges en bas. Cest pour mieux absorber le yerba quon utilise là-bas ».

Rosa ajoute sa pierre à l’édifice : « Au Paraguay, on aime bien boire un maté plus mousseux. On aime bien mélanger plein dherbes avec. Il faut que la tasse soit étroite au dessus parce que sinon toute la saveur s‘échappe. »

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Estela et Guadalupe.

De retour dans les ruelles du marché en plein air, on tombe sur Ayelen. Elle a la vingtaine et son conseil reflète l’inquiétude de sa génération pour l’environnement : «je préfère consommer du yerba mate bio. Cest meilleur pour la santé et pour la planète. »

Tout est dans l’eau

L’erreur du débutant (commise aussi par l’auteur de ce papier) est de noyer le yerba mate sous l’eau bouillante.

Nestor, le pote de maté de Caco, m’explique le problème : « Ne remplis pas jusquen haut ta tasse ! » Il dit ça super vite comme si c’était un blasphème. « Et tu dois toujours verser leau au même endroit nessaye pas d’arroser tout le yerba mate. »

Ayelen, la jeune commerçante, rajoute : « Il ne faut pas que leau soit tout à fait brûlante ». Pour le maté parfait, elle affirme que « la température de leau compte autant que la qualité de yerba mate utilisé ».

« Dabord, je verse le yerba dans la gourde. Il faut que la poudre soit bien répartie sur toute la surface de la tasse donc je secoue un peu la gourde. Si la poudre stagne au fond, ta première gorgée va être pleine de poudre de yerba et tu vas avoir limpression de boire la tasse. Ensuite, je verse un peu deau froide et je laisse reposer un peu. Après, une giclée deau chaude et je laisse reposer à nouveau. Et cest seulement après tout ça que je plante la paille à maté pour le boire. »

Si le procédé vous fatigue déjà rien que d’y penser, il existe une alternative de plus en plus populaire, une version estivale du traditionnel maté : le tereré. C’est une boisson froide (qu’on peut acheter en poudre au supermarché) qu’on peut aussi trouver sous la forme d’un granité.

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Ayelen avec son maté.

«Au Paraguay, le tereré est un maté fait avec de leau froide et infusé avec dautres herbes », explique Rosa.

Il suffit de préparer un maté en remplaçant l’eau frémissante par de l’eau froide et d’ajouter le sirop aromatisé que vous préférez.

La gourde

Le gringo oubliera forcément une étape essentielle : avant d’utiliser la gourde à maté traditionnelle qu’il aura acheté pas cher sur un marché comme celui de San Telmo, il faut la traiter. Sans quoi, ces conteneurs, généralement creusés dans de petites cucurbitacées ou dans du bois, donneront un goût bizarre aux matés avant de pourrir.

Mais au vingt-et-unième siècle, qui a encore le temps de s’embêter à traiter une gourde ? Du coup, les gourdes en métal ou en silicone sont aussi courantes que les maillots de l’Albiceleste.

Le plantage de paille pour les nuls

Ce qui fait grincer les dents de tout buveur de maté qui se respecte, c’est de voir quelqu’un mélanger le maté avec sa paille en pensant bien faire.

Pour la bombilla, la paille, il y a une règle tacite à connaître : il ne faut absolument pas la bouger dans le maté une fois installé. En gros : tu ne remues pas ta paille avant de devoir jeter à la poubelle les feuilles déjà infusées.

Caco a une astuce super-utile pour le planté de paille : il faut bloquer le bout de sa paille avec son doigt quand on la plante dans la tasse de yerba.

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Des gourdes et des pailles en vente dans la rue.
En mettant ton doigt par-dessus l

« ouverture de la paille, tu empêches leau pas encore infusée de sinfiltrer dans ta paille. Ça empêche aussi la poudre de venir bloquer ta paille. »

Tradition et lien social

Le maté est fait pour réunir les gens.

Les trois fleuristes sont d’accord : il n’y a rien de plus chouette que de boire un maté avec des potes mais il n’y a rien de plus triste que de voir le maté sur la carte des cafés de Buenos Aires.

Boire un maté seul chez soi ou au travail, ça se fait, mais le boire avec des amis – plus ou moins proches – est un acte qui fait partie de la culture locale. Traditionnellement, la préparation du maté est un moment très privé : chacun va le préparer en suivant des conseils qui se transmettent entre générations ou en fonction de ses goûts. La dégustation du maté est la partie sociale du rituel.

« Partager un maté est un prétexte pour bavarder. Ici, cest comme de boire un café », explique Rosa.

« Pas forcément entre amis mais aussi en famille. Si dans un couple, quelquun se prépare un maté, les deux vont en boire. On devient plus que mari et femme, on est partenaire dans tous les sens du terme. Le maté unie les gens, comme nous ici. On passe nos journées assises ici avec un maté », raconte Guadalupe en montrant ses deux amies.

« Préparer un maté, cest tout un cérémoniel, une expérience intime quon partage. » explique la Brésilienne. « Pour moi, cest impossible de voir une amie sans boire un chimarrão avec elle. Cest un élément essentiel. »

« Le maté entraîne la conversation. Il pousse à se confier sur sa vie privée. Ça fait partie de lamitié », confirme Guadalupe.

C’est donc une boisson privée qu’on prépare et qu’on boit plus souvent avec un cercle de proches. On ne vend normalement jamais un maté dans un café. D’ailleurs, même si certains établissements s’y mettent, ce ne sont pas les locaux qui les achètent.

Si vous voulez découvrir les vertus du yerba mate, il vous faudra donc non seulement le matos mais aussi une bande de potes.