Range Tes Disques est une rubrique dans laquelle nous demandons à un groupe ou un artiste de classer ses disques par ordre de préférence. Après Korn, Slipknot, Lagwagon, Hot Chip, Manic Street Preachers, Primus, Burning Heads, le label Fat Wreck Chords, New Order, Ride, Mogwai, Jean Michel Jarre et Oxmo Puccino, nous nous sommes intéressés à Blur, avec le batteur Dave Rowntree, qui est revenu pour nous sur les sept albums du groupe.
7. THE GREAT ESCAPE (1995)
Noisey : J’étais certain que celui-ci serait en dernière position.
Dave Rowntree : En vérité, je n’ai aucun souci avec ce disque, mais je trouve que c’est un peu « Parklife , la suite », tu vois ? Cet album et la gué-guerre avec Oasis nous ont permis de franchir une étape. Beaucoup de gens le considèrent comme le troisième volet d’une trilogie —après Modern Life is Rubbish et Parklife— notre « trilogie Britpop », comme j’ai entendu certains le dire. Moi, je pense plutôt que ce disque marque la fin d’un truc qu’on avait démarré avec Parklife.
« The Universal » est un morceau incroyable et on ne l’avait pas du tout réalisé à l’époque. C’est un titre avec lequel on finissait systématiquement nos concerts. À une période, on se serait fait caillasser si on l’avait zappé. Ken Livingstone [politicien anglais, membre du Parti Travailliste et ancien maire de Londres] a fait une apparition sur l’album et il s’est avéré être un type vraiment très cool, Damon et lui sont restés très amis. On passait aussi pas mal de temps au Japon à l’époque et à chaque fois qu’on était là-bas, on se sentait hyper mal pour les employés de notre maison de disques, qui avaient l’air de se faire traiter comme de la merde par leurs supérieurs—c’en était arrivé à un point où ils n’avaient carrément pas le droit de rentrer chez eux tant que le groupe était là ! Ils devaient dormir au bureau, être prêts à répondre au moindre coup de fil, à la moindre sollicitation. On a ensuite réalisé que c’était normal pour eux, qu’ils n’étaient absolument pas traités de manière odieuse. Le morceau « Yuko And Hiro » parle de notre expérience au Japon—c’est un très beau morceau.
Difficile d’évoquer cet album sans parler de « Country House » et de votre rivalité avec Oasis.
Pour ce qui est de « Country House », voilà l’histoire : Food Records, notre label, a été racheté par EMI. Ça devait se faire par étapes et une de ces étapes devait intervenir après la sortie de Parklife. Dave Balfe—le boss de Food Records, un des héros les plus méconnus de la scène musicale anglaise et l’homme derrière pas mal des gros cartons de ces 30 dernières années—s’est dit que c’était le bon moment, pensant sans doute qu’on avait atteint notre sommet et qu’on ne pourrait pas dépasser le succès de Parklife. Du coup, il a décidé de se retirer et de vendre sans plus attendre toutes les parts qui lui restaient à EMI. On a donc été transférés chez EMI/Parlophone et Balfe a touché un gros chèque ! On avait entendu dire qu’il s’était acheté une énorme maison à la campagne avec l’argent et tout un tas d’autres trucs qui sont mentionnés dans les paroles du morceau—on entendait des rumeurs pas possibles. Et quand, des années plus tard, il a voulu vendre cette maison, il a précisé dans l’annonce que c’était la maison dont Blur parlait dans « Country House » pour lui donner un cachet supplémentaire et espérer la vendre encore plus cher !
Bref, ce morceau c’est juste Damon qui se paye la tête de Balfe. Balfe a dit par la suite qu’il avait sans doute fait une erreur en vendant Food aussi tôt. Il a ramassé une petite fortune mais s’il avait attendu qu’on sorte cet album, il aurait touché des sommes colossales. On était potes avec l’acteur Keith Allen à l’époque, et dans le clip, c’est lui qui joue le rôle de Balfe, aux côtés de filles sublimes. C’est Damien Hirst qui a écrit le script.
Notre rivalité avec Oasis, ça se résumait juste à des échanges par journaux interposés. Ils disaient un truc débile et on répondait par un truc encore plus débile. Ils disaient un truc marrant et on répondait par un truc encore plus marrant. Dès qu’on disait un truc, c’était imprimé dans les journaux, et si on ne disait rien, c’était quand même imprimé dans les journaux. J’avais une parka à l’époque et j’ai lu une fois que je me moquais de Liam en portant le même style de parka que lui ! « La guerre continue : Dave Rowntree se moque ouvertement de Liam ! » Je portais juste une parka ! Oasis ont changé la date de sortie de leur single pour qu’il n’y ait pas de clash avec le nôtre. Du coup, on a changé la date de sortie de notre album pour qu’il sorte en même temps que le leur—comme je te disais, ils faisaient un truc débile, on répondait par un truc encore plus débile—et le reste fait désormais partie de l’Histoire, comme on dit.
Tu te souviens du moment où tu as appris que vous étiez numéro 1 et que vous aviez remporté la bataille ?
Au départ, j’étais absolument certain qu’on vendrait plus de disques qu’eux et qu’on sortirait victorieux de cette lutte. J’étais jeune et arrogant. Je passais mon temps à voyager en avion et je venais justement de prendre un vol pour la France, où j’avais prévu de passer mes vacances. Et à un moment, durant mon séjour, je me suis dit : « Et si on ne gagnait pas ? Et si on se faisait au contraire écraser et ridiculiser ? » Je rentrais en Angleterre le dimanche soir, le jour de sortie des charts et j’allais donc arriver après l’annonce des classements. Du coup, j’ai demandé au responsable du contrôle aérien de me donner les infos pendant le voyage, au moment où elles tomberaient. Après quelques minutes, il m’a confirmé que nous avions gagné et j’ai poussé un soupir de soulagement ! C’était vraiment une lutte acharnée, tu sais, parce qu’Oasis avaient la rage, c’était un groupe qui avait encore beaucoup de choses à prouver, et ils avaient énormément de succès aux USA, ce qui n’était pas notre cas. Et au final, ils ont splitté et pas nous. On a entendu des tas de gens dire que Blur avaient gagné une bataille mais qu’Oasis avaient gagné la guerre, ou l’inverse. Mais la semaine prochaine, tout pourrait changer : on pourrait splitter et Oasis pourraient revenir, plus en forme que jamais. Comme le disait Henry Ford, l’Histoire, c’est du vent.
6. THINK TANK (2003)
Celui-là, on l’a commencé au Studio 13 à Londres et on l’a fini au Maroc, dans une ferme à une heure de Marrakech. Graham a joué sur quelques morceaux et puis tout a commencé à partir en sucette et on a trouvé cette immense baraque en pleine cambrousse au Maroc et on s’est terrés là-bas. Il y avait quelque chose comme 15 pièces, donc on avait chacun notre chambre et une pièce commune au centre. Il s’est passé plein de trucs dingues là-bas. Norman Cook [Fatboy Slim] est venu pour bosser sur plusieurs morceaux. On a fait venir un orchestre andalou—ne me demande pas ce qu’un orchestre andalou foutait à Marrakech, je n’en ai pas la moindre idée. Ils ont joué pour nous et on a utilisé certaines parties de leur performance sur le disque.
C’était une véritable aventure, on était plongés dans une culture totalement différente et à l’arrivée on a eu un disque très différent. Je trouve que c’est un super disque mais le souci, c’est qu’il ne sonne pas comme un disque de Blur. « Battery In Your Leg » est un morceau de Blur mais quand Graham ne joue pas avec nous, ça ne sonne plus tellement comme du Blur, tu saisis ? Et je pense que ce serait la même chose si je n’étais pas sur le disque, ou Alex ou Damon : Blur c’est nous quatre, c’est quand on est réunis que la magie opère. Mais ça reste un bon disque.
Je dis souvent qu’il faut que tu quittes ton foyer pour le comprendre et l’apprécier. C’est en voyageant à travers le monde que j’ai compris ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas en Angleterre. Et il est arrivé la même chose quand Graham est parti. On ne s’était pas rendu compte à quel point il était essentiel à notre son, parce qu’il avait toujours été là.
Ceci dit, je pense qu’ « Ambulance », le titre d’ouverture, est un morceau génial. L’absence de Graham a fait qu’on a dû trouver des idées et des sons nouveaux pour remplir l’espace. Il y a par exemple cette guitare très aigüe dont Damon joue qu’on entend à la moitié du morceau et qui fait vraiment décoller l’album.
« Out Of Time » est fabuleux aussi.
Oui, ça a été le gros carton de cet album. Le clip avait réussi à saisir le sentiment de notre public à l’époque. Il y avait ce documentaire à la télé sur un couple engagé dans la British Navy et c’était vraiment triste parce que quand l’un était de service, l’autre était à la maison et vice-versa. Ils ne se voyaient quasiment pas. Ça devait être vraiment très dur pour eux, c’était un jeune couple. Pour le clip, le réalisateur a remonté le documentaire de façon à ce qu’il soit centré sur la femme et sur son expérience. La vidéo est sortie durant une période assez trouble, politiquement. Tu pouvais donc interpréter le clip de deux façons : c’était un reflet de ce qu’il se passait dans le monde, mais aussi un reflet de ce qu’il se passait au sein du groupe.
5. LEISURE (1992)
Votre premier album, sorti entre la période Madchester et la vague shoegaze et qui, pour le coup, se situe pile entre les deux. C’est du baggy avec un son shoegaze.
C’est vrai ! On avait signé chez Flood, qui venait de faire un carton avec le premier album de Jesus Jones et Parlophone venaient de signer EMF qui, eux, ont carrément eu un succès planétaire. Je ne veux accuser personne mais j’avais vraiment l’impression qu’ils avaient copié les techniques de production de Jesus Jones, qui étaient en fait celles de Dave Balfe, le boss de Food Records dont on parlait tout à l’heure. À I’époque, c’était nouveau de mélanger du gros rock à guitares avec des samples et de la dance music. C’était l’idée de Dave. Réussir à concrétiser cette idée dans le contexte indie, c’était un véritable défi. Il a donc signé Jesus Jones qui avaient alors un autre nom—Camoflage ! C’était un groupe de rock classique et ils les a signés à la seule condition qu’ils acceptent d’inclure des samples dans leur musique, et ça a extrêmement bien marché. Ils ont eu des tubes énormes, « Right Here Right Now » a été numéro 1 aux États-Unis.
C’est dingue que tout ça vienne de Balfe. Je l’ignorais.
Balfe était un super musicien. C’est lui qui a façonné le son des Teardrop Explodes. Et après Food Records, il a pas mal été impliqué dans les divers projets de Bill Drummond avec KLF. Balfe est vraiment le héros oublié du rock anglais.
Et donc, au milieu de tout ça, arrive Blur. Les choses étaient assez chaotiques à l’époque : on démolissait pas mal de choses sur scène et on ne savait jamais quand ou comment allaient finir nos concerts. Ça s’est terminé plus d’une fois avec tous nos instruments détruits. Balfe nous a signé parce qu’il pensait pousser son idée de mélange rock/dance encore plus loin avec nous. Et c’est un peu ce qu’on a fait au début, sur des morceaux comme « There’s No Other Way » et « Bang ». On a longtemps détesté « Bang » et on s’est souvent demandés comment on avait pu sortir un album pareil. Et puis en le ré-écoutant, au moment où on préparait les concerts de reformation, on a trouvé qu’il n’était pas si mal. Des morceaux comme « Fool » représentent assez bien ce qu’était Blur avant qu’on signe sur Food. Et « Come Together » était vraiment taillé pour casser des trucs sur scènes, c’est un titre rapide et agressif avec un truc à la fois un beat très joyeux mais en même temps des paroles très amères.
Quand on a commencé à enregistrer Leisure, on écoutait les conseils du label, qui nous disait : « Allez-y, mettez des samples, utilisez des synthés, il faut que vous sonniez comme Jesus Jones et EMF, c’est ça qui marche. EMF sont en train de devenir énormes, vous allez vous engouffrer dans la même voie. » Mais sur la fin de l’enregistrement, on n’en pouvait déjà plus des samples et des rythmes baggy.
Pour que tout le monde s’y retrouve, on a accepté de garder uniquement les parties de clavier qui nous plaisaient, qui au final sonnent plus hip-hop que Madchester, je trouve. On ne sonne évidemment pas hip-hop, mais on se retrouvait plus dans le hip-hop que dans le son baggy de Manchester.
Peu après la sortie, vous avez fait votre première tournée américaine qui a, il me semble, été un véritable désastre.
La tournée s’est plutôt bien passée, c’était davantage le contexte et les conditions qui étaient désastreux. Notre tour manager s’était tiré avec l’argent et il a fallu enchaîner les concerts pendant des semaines pour survivre et rembourser nos dettes.
4. PARKLIFE (1994)
Le disque qui nous a fait connaître auprès du grand public. En fait, on n’est pas passés dans le mainstream, on a changé la musique mainstream pour pouvoir en faire partie. Ce disque a changé la musique mainstream au Royaume-Uni. Avant ça, les groupes indé ne retrouvaient jamais dans les charts nationaux. Il y avait les charts indépendants et les charts nationaux et c’étaient deux choses bien différentes. Pour être dans les charts indés, il suffisait de vendre 200 disques, mais pour être dans les charts nationaux, il fallait en vendre 20 millions. Parklife a été numéro 1 en Angleterre et plusieurs singles de l’album ont été numéro 1 également, et tout ça est arrivé grâce à Parklife et au premier album d’Oasis. On a changé l’image de la pop mainstream—ce n’était plus Kylie Minogue, c’était nous et Oasis. Involontairement, on a donné naissance à ce monstre horrible qu’était la Britpop et on l’a très amèrement regretté, mais ça nous a propulsé au sommet.
Ça a malheureusement eu d’autres conséquences. Ça a rendu Graham complètement fou. Jusqu’à présent quand tu allais dans un club ou au restaurant et que tu tombais sur une armée de paparazzis, tu savais que c’était pour Kylie Minogue. Et, du jour au lendemain, c’était pour nous. Notre public a beaucoup changé aussi—plus jeune, plus féminin, et beaucoup, beaucoup plus bruyant.
Vous aimiez ça ?
C’était bizarre, tu sais. Ça ne m’a pas affecté autant que Graham et ça n’a pas boosté ma motivation, comme ça a été le cas pour Alex. Pour moi, on faisait notre truc et puis voilà – là, il se trouve que ça intéressait les médias. On a eu droit à une BD dans un journal qui racontait notre histoire, comme si on était un boys band ! S’ils avaient fait ça à l’époque du premier album, ça aurait peut-être marché ! Mais à l’époque de Parklife on était des mecs hirsutes qui passaient leur vie en tournée et cherchaient juste à faire chier un maximum de monde. On n’avait plus rien en commun avec un boys band, plus rien du tout.
Vous étiez encore jeunes quand même. Vous aviez, quoi ? 25 ans ?
J’avais 30 ans, les autres avaient entre 25 et 28. On était pas jeunes-jeunes, quoi. J’avais déjà la même tronche qu’à 40 ans, sauf que je n’en avais que 30 !
Quels morceaux retiens-tu de ce disque ?
« Parklife » évidemment, ça a été un énorme carton en Angleterre. On a fait participer Phil Daniels, un de nos héros, qui était connu pour avoir joué dans Meantime de Mike Leigh et bien sûr dans Quadrophenia, le film sur la culture mod avec la B.O. des Who. C’étaient nos deux films préférés, ceux qu’on regardait dans le tour bus et dont on connaissait tous les dialogues par coeur. On n’en revenait pas qu’il accepte. Il s’est pointé en studio et aucun d’entre nous n’osait aller lui parler ! [Rires.] Il était très sympa !
Mon morceau préféré sur cet album, c’est « Badhead ».
J’adore ce morceau. Une chanson de lendemain de cuite—la première d’une longue série. Il y a « Magic America » que j’aime beaucoup également et puis « This Is A Low », qu’on a par la suite utilisé pour conclure nos sets, parce qu’elle évoquait des choses très intenses.
3. 13 (1999)
On a enregistré les lignes de chant à Reykjavik, mais le reste a été mis en boîte au Studio 13, un vieil immeuble réparti entre plusieurs entreprises, d’un côté tu avais des gens qui fabriquaient des sacs à main, de l’autre une start-up, et au milieu ce studio qui faisait un bruit infernal et qui emmerdait tout le monde. Ça a duré quelques années avant qu’ils ne se fassent virer, mais c’était un super endroit pour enregistrer. C’est pour ça qu’on a appelé l’album 13, en souvenir de ce studio. C’était aussi une façon de conjurer le sort. Beaucoup de gens pensent que le chiffre 13 porte malheur.
Vous avez travaillé avec William Orbit sur ce disque. Ça a dû changer pas mal de choses.
Oui, avec lui et Damian LeGassic, qui n’est pas aussi connu. C’était l’ingé-son. La journée, William venait en studio vaguement superviser les sessions d’enregistrement et le soir, Damian ramenait les enregistrements chez lui, remontait et éditait les morceaux et nous ramenait ça le matin, et on continuait. C’était une méthode totalement nouvelle et différente pour nous. Ça nous permettait énormément de liberté, d’espace d’improvisation. Il y a pas mal de morceaux qui sont ce que j’appelle des « nouilles de studio » comme « Caramel »—des titres qui sont nés d’une base d’idées jetées en vrac que Damian a agencé d’une certaine façon, après quoi on a continué à y ajouter plein de choses, que Damian ré-arrangeait ensuite, etc. « Coffee And TV », par contre, c’est un titre enregistré de manière plus traditionnelle. Ce disque doit énormément à Damian. William Orbit est un type charmant mais il a juste supervisé les enregistrements, rien à voir avec ce que peut faire quelqu’un comme Stephen Street par exemple. William était plus en retrait.
2. BLUR (1997)
Les choses commençaient à se détériorer dans le groupe. Mais malgré tout, on a réussi à composer des choses comme « Beetlebum », « Song 2 » ou « Look Inside America », qui est un de mes morceaux préférés de Blur. Graham avait pris la production en main avec Stephen Street. Et il a même chanté un morceau ! « MOR »—qui nous a valu des tonnes de procès, vu que c’est clairement un plagiat de Bowie ! Avec ce disque, on avait décidé de faire un pas de côté. « Beetlembum » est un de nos classiques en live et on joue d’ailleurs une grande partie de ce disque sur scène. « Song 2 » évidemment—un morceau qui a été utilisé je ne sais combien de fois dans la publicité, surtout pour des voitures. Beaucoup de groupes me disent qu’ils reçoivent les produits pour lesquels leur musique a été utilisée, mais je n’ai jamais reçu aucune voiture pour « Song 2 ». Jamais ! C’est en tout cas un morceau qu’on a écrit très vite.
Vous avez réalisé sur le moment que vous teniez un tube gigantesque ?
On avait l’impression de n’avoir que des tubes sur cet album ! Même « Essex Dogs » pour moi, c’était un tube ! Je pense que les groupes sont vraiment les moins bien placés pour choisir les titres qui doivent sortir en single. Il faut que ça vienne de l’extérieur, c’est souvent le label qui choisit et c’est très bien comme ça. Toi, tu es tellement investi dans ton boulot que ça fausse complètement ton écoute. C’est pour ça que tous les groupes pensent sincèrement que leurs nouveaux morceaux sont les meilleurs qu’ils ont jamais écrits. C’est quand ils voient que personne n’achète le disque qu’ils se rendent compte que ce n’était peut-être pas aussi bon que ça, finalement.
Tu prêtes attention au paroles de Damon ?
Les paroles, c’est généralement ce qu’on fait en dernier : Damon fait une piste chant témoin en yaourt, avec juste des syllabes et des onomatopées. Parfois, on garde ces syllabes et on n’écrit pas de véritables paroles. C’était le cas pour « Song 2 ». On a essayé pas mal de choses, mais ça ne sonnait jamais aussi bien qu’avec la piste chant témoin, du coup Damon a juste cherché des mots qui collent au plus près à ses onomatopées. « Wah Lah Lah Lah Lah Wah Wah » est devenu « When I feel heavy metal ». Et le morceau s’appelle « Song 2 » parce que c’était le deuxième morceau sur la liste qu’on avait au studio—d’habitude on trouve des titres pour tous les morceaux mais celui-ci est resté comme ça.
1. MODERN LIFE IS RUBBISH (1993)
C’est le disque avec lequel on a compris qu’on tenait vraiment un truc et qu’on n’allait pas être un énième groupe indé qui splitte après deux albums. On a pris un risque énorme avec Modern Life Is Rubbish et on a dû livrer une vraie bataille avec Food pour pouvoir l’enregistrer tel quel, parce qu’il marquait un tournant radical pour le groupe. Quand on l’a finalement envoyé à Dave Balfe, il nous a écrit une lettre d’excuses parce qu’il trouvait l’album vraiment bon.
Le disque n’a pas très bien marché cela dit. S’il n’y avait pas eu Parklife derrière, ça aurait pu être la fin du groupe. L’album s’ouvre sur « For Tomorrow », qui est un de nos morceaux les plus connus, même si ce n’est pas forcément le plus évident. Il y a pas mal de choses sur ce disque qui auraient pu nous valoir des volées de bois vert, comme « Intermission » ou « Commercial Break »—des trucs qui dataient de l’époque de Seymour, avant qu’on ne change le nom du groupe pour devenir Blur—mais ça a provoqué l’effet inverse. Des tas de gens qui nous détestaient ce sont mis à ce dire qu’on était peut-être pas si mauvais en fait.
C’est un disque très, très anglais, qui puise ses racines dans la pop britannique des 60’s, des groupes comme les Kinks. C’était la musique qu’on aimait et qu’on écoutait et on avait envie de faire quelque chose de différent. On a pris un gros risque, on aurait pu se planter en beauté, mais ça a marché. Si ça avait foiré, je serais un vieux mec aigri qui passe ses journées au pub, la clope à la main, avec des lunettes noires et une coupe de cheveux à la con. Je m’en suis bien sorti, j’ai juste la coupe de cheveux à la con !
Kim Taylor Bennett est sur Twitter.
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