Illustration de George Gousis
Cet article a été initialement publié sur VICE Grèce.
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Il est six heures de l’après-midi, nous sommes en novembre et il fait un froid de canard. Je suis en train de traverser un quartier de la classe ouvrière d’Athènes, où la crise financière a fait le plus de ravages. Je me rends aux bureaux les plus proches de l’Assemblée des Grecs, une organisation politique qui ressemble fortement à une secte. L’Assemblée et son fondateur, Artemis Sorras, affirment qu’ils ont les moyens de mettre un terme à la crise financière qui frappe le pays en remboursant l’énorme dette publique ainsi que la dette privée des citoyens grecs. La stratégie de l’Assemblée est assez simple : celle-ci prétend posséder des milliards de dollars, qu’elle est prête à mettre au service de la Grèce.
J’ai été fasciné par l’Assemblée des Grecs dès que j’en ai entendu parler. Je voulais comprendre comment cette secte avait pu convaincre ses milliers de disciples qu’elle était capable de débourser des milliards d’euros sans rien demander en retour. Mais surtout, je voulais savoir si cet argent existait vraiment. Si oui, d’où venait-il ? Si non, comment l’Assemblée sauvait-elle les apparences ? J’ai donc décidé de devenir membre de l’Assemblée des Grecs. Je me suis rendu dans ses bureaux environ trois fois par semaine pendant deux mois – de novembre 2016 à janvier 2017.
Nous sommes désormais fin novembre, et après avoir assisté à plusieurs débats et discussions au QG – où le code vestimentaire impose le bleu et blanc, les couleurs du drapeau national – je vais enfin devenir un membre à part entière et prêter le « Serment du Guerrier » devant les dirigeants de la secte.
En arrivant, je croise certains adeptes rencontrés lors de mes précédentes visites. Antigone, la sexagénaire qui dirige le « groupe » au sein duquel je dois prêter serment, regarde une vidéo sur l’écran poussiéreux de son vieil ordinateur. D’autres membres discutent pendant qu’une jeune femme – que je vois pour la première et dernière fois de ma vie – lit un fascicule qui énumère les fondements de l’Assemblée dans une police d’écriture qui se veut ancienne.
Je salue tout le monde. J’ai pu comprendre au fil de mes discussions avec les différents membres qu’ils étaient tous là pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes : la nostalgie patriotique, l’intérêt pour le complotisme, et/ou leur accointance avec l’extrême droite. « Il faut qu’on se venge de l’Union européenne comme Alexandre le Grand s’est vengé des Perses », m’a un jour déclaré l’un des membres. Pour Artemis Sorras, les Grecs sont les seuls vrais êtres humains sur Terre car le reste du monde est composé d’extraterrestres présents sur la planète pour détruire le peuple grec. D’autres adhérents, proches de l’extrême droite, ont quitté le parti néonazi « Aube Dorée » car ce dernier allait un poil trop loin à leurs yeux. Dans l’ensemble, je peux affirmer sans me tromper que les membres de l’Assemblée ne sont pas le genre de personnes avec qui je traîne d’habitude.
Mais désormais, je suis l’un d’entre eux, et c’est l’heure de mon rite d’initiation. « Redresse-toi. Tiens-toi droit. » Antigone me donne des ordres avant le début du rituel, me montrant l’endroit exact où je dois me tenir. « Tu ne peux pas bouger pendant la lecture. J’espère que tu as éteint ton portable. » Elle attrape ma main. « Répète chaque phrase que je lis à voix haute. Tu dois te concentrer. Si tu fais une erreur, il faudra tout recommencer depuis le début. » Je me tiens droit comme un I. Je ne veux vraiment pas la décevoir.
« Après avoir prêté serment, tu vas ingérer une boisson que l’on a spécialement préparée pour toi. Si tu manques à tes obligations et viole ce serment, le liquide te brûlera les entrailles et les Furies te hanteront », prévient Antigone. Je hoche la tête sans dire un mot. Après s’être assurée que tout est prêt, elle commence à réciter chaque ligne du serment – affiché sur un mur derrière moi – d’un ton pompeux. « Je m’engage à me dévouer entièrement au discours d’unité du miséricordieux Maître de la Lumière. » Je répète ce qu’elle dit. Je répète la deuxième phrase, puis la troisième. Antigone termine chaque phrase sèchement, comme pour donner un ton plus grave à son discours. La dernière ligne du serment, mal orthographiée sur le mur, concerne le châtiment infligé aux membres qui enfreignent les principes et les valeurs de la secte : « Si je ne respecte pas ce serment, mon corps deviendra poussière. »
Antigone me tend alors un verre, apparemment rempli d’eau, que je bois. « Tu es désormais digne », s’exclame-t-elle. Les autres membres m’embrassent sur les deux joues et me demandent mes coordonnées. « Tu devrais parler de nous à tes amis », me dit Antigone.
Ça y est, je fais officiellement partie du groupe.
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En se promenant dans Athènes, on ne peut que constater les effets de la crise financière dans laquelle le pays est plongé depuis huit ans, crise dont personne ne voit la fin, même après trois plans « d’aide ». Les rues sont remplies de mendiants, de SDF et beaucoup de magasins ont condamné leurs fenêtres avec des planches de bois. Mais le plus dramatique dans cette crise demeure invisible. Les Grecs ne peuvent plus payer leurs impôts et leurs factures. Leurs maisons sont saisies. La Grèce connaît le plus haut taux de chômage en Europe.
Maintenant, imaginez un instant que vous soyez l’un de ces Grecs fortement touchés par la crise économique dramatique. Artemis Sorras arrive de nulle part pour vous dire qu’il peut vous sortir de la misère en payant vos dettes : celles qui vous ont privé de votre maison, de vos économies, de votre qualité de vie. Rejoignez-le, et vos dettes seront réglées.
Ça a l’air dingue dit comme ça, mais de plus en plus de Grecs font confiance à ce gourou. Ils pensent souvent ne pas avoir d’autre choix. Aujourd’hui, l’Assemblée des Grecs compte plus de 200 bureaux dans le pays et à l’étranger. D’après des documents fournis à VICE par un ancien membre de l’organisation, on dénombre environ 5 000 membres assermentés, qui représentent le noyau de la secte, sur un total de 12 000 adhérents. Tous les membres doivent payer un droit d’entrée de 20 euros, avant de débourser cinq euros par mois. En retour, leurs dettes seront (prétendument) payées. Les membres qui prêtent serment – qui ont l’obligation d’être de nationalité grecque – ont leur mot à dire sur les règles de l’Assemblée.
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Artemis Sorras a fait son apparition sur la scène médiatique très soudainement, en 2012. À l’époque, il avait annoncé à la télévision être prêt à offrir 600 milliards de dollars au pays pour qu’il puisse payer ses dettes et mettre fin aux politiques d’austérité. Il a formé l’Assemblée des Grecs en 2015 en affirmant que non seulement les 600 milliards allaient sauver la Grèce mais qu’en plus il utiliserait sa propre fortune s’élevant (soi-disant) à 145 000 milliards de dollars pour régler les dettes privées de ses disciples. Pour les curieux, on parle du nombre 145 suivi de 12 zéros, et ça correspond environ à la fortune de Bill Gates multipliée par 1 700.
Artemis Sorras affirme avoir offert sa fortune aux autorités grecques pour s’occuper de la dette et développer les infrastructures du pays. Lorsque le ministre des finances a reçu la déclaration écrite de M. Sorras promettant ce don, il a demandé à la Banque de Grèce d’enquêter sur les prétendus comptes bien remplis de l’Assemblée. Contactée par VICE, la Banque de Grèce nous a confirmé que ces comptes n’ont jamais existé.
Les autorités grecques n’ont donc jamais vraiment pris Artemis Sorras au sérieux, et elles ne pensaient pas que des gens le feraient. À cette époque, les chaînes de télévision grecques ne l’invitaient que pour se moquer de lui, histoire de faire de l’audience. Cette situation a permis à Sorras de se présenter comme un paria, un exclu.
En mai 2014, il a proposé au gouvernement grec de racheter quatre des plus grandes banques du pays. À cette époque, la Grèce venait d’emprunter plusieurs milliards à ses créanciers pour sauver ces banques. Au vu de l’absurdité de sa proposition, le gouvernement grec n’a pas daigné lui répondre. Artemis Sorras s’est trouvé quelques disciples entre-temps, et il leur a certifié que ce silence était la preuve de la corruption du système politique grec. À l’entendre, les dirigeants du pays ne sont que les pantins à la solde des « intérêts internationaux juifs ».
Petit à petit, en restant fidèle à ses idées, Artemis Sorras a engrangé les soutiens et a créé sa propre secte.
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La vie d’Artemis Sorras a débuté dans un petit village situé près de Patras, une ville du nord de la péninsule du Péloponnèse. Issu d’un milieu pauvre, Artemis dut quitter son école à l’âge de 10 ans afin d’aider sa famille à joindre les deux bouts. Quelques années plus tard, il se mit à vendre des voitures et à arnaquer les gens. Sa méthode n’était pas très compliquée : il vendait la même voiture à plusieurs personnes, sans jamais la livrer. Aujourd’hui, plusieurs personnes – dont son ancien avocat et ami Fotis Lepidas – ont porté plainte contre lui. Artemis Sorras n’a cependant jamais gagné beaucoup d’argent grâce à ses combines. Dans sa déclaration au fisc datée de 2014, il annonce gagner environ 20 000 euros par an.
De fait, la question qui se pose est assez évidente : comment Artemis prouve-t-il à ses disciples qu’il est multimilliardaire ? C’est ce que j’ai voulu savoir. Lors d’une réunion, j’ai demandé à Antigone si le fondateur de la secte était vraiment à la tête d’une véritable fortune. Elle a feuilleté quelques papiers avant de me les donner. « Tout ce que tu as besoin de savoir est ici », m’a-t-elle dit.
Dans ces papiers, on pouvait lire qu’Artemis Sorras avait versé 600 milliards de dollars à la Grèce – sachant que ce pays, officiellement appelé « République hellénique », ne possède évidemment pas de compte en banque en son nom propre. J’ai également lu dans ces « documents » que Sorras était à la tête d’une fortune de 115 000 milliards de dollars, répartie dans différents comptes. Selon ces mêmes documents, Artemis possède 40 bons à la Banque d’Orient, chaque bon valant selon lui autour de 678 milliards de dollars. Pour l’information, la Banque d’Orient a fermé ses portes il y a plus de 80 ans. Vous pouvez toujours acheter des bons, mais ce ne sont plus que des souvenirs désormais ; on peut même en acheter sur eBay pour 95 euros. La photo sur eBay est d’ailleurs exactement la même que celle utilisée par M. Sorras sur ses prospectus.
Antigone m’a également conduit jusqu’à un poster placardé sur un mur du bureau de l’Assemblée des Grecs. Elle m’a dit qu’il s’agissait d’un document officiel publié par la Banque mondiale – ce qui était clairement un mensonge. Des logos de plusieurs institutions internationales (comme la Banque mondiale ou l’ONU) étaient imprimés sur le poster et on pouvait y lire que les comptes bancaires d’Artemis Sorras étaient bel et bien légitimes. « C’est pour nous, c’est pour le peuple grec, m’a dit Antigone. Des politiciens grecs ont signé ce document, ça prouve que l’argent est là. »
Pour être honnête, le poster était agencé de manière très confuse et était truffé de fautes d’orthographe. On y lisait que le Pape Benoît XVI, un ancien président de la République hellénique et un représentant grec de l’ONU, entre autres, avaient signé le document, « confirmant » ainsi la fortune de Sorras. Antigone m’a livré d’autres « preuves » de ses affirmations. L’un des documents provenant prétendument de la Banque mondiale était rédigé en filipino ; un autre semblait provenir de l’ONU mais y faisait référence en tant qu’« Association des Nations Unies ». En résumé, ces documents, considérés comme l’Évangile au sein de l’Assemblée, n’étaient pas vraiment convaincants.
Histoire d’en être absolument certain, j’ai contacté des représentants de l’ONU et de la Banque mondiale, ainsi que le bureau de l’ancien président cité sur le poster, Karolos Papoulias. Ils ont tous démenti être en lien avec Artemis Sorras ou son Assemblée. Fotis Lepidas, avocat de M. Sorras pendant plusieurs années, m’a dit : « Il ment lorsqu’il affirme posséder autant d’argent. Tout ce qu’il fait, c’est recruter de nouveaux membres. Pour entrer dans l’Assemblée il faut payer 20 euros, puis cinq euros par mois pour y rester. Il y a environ 12 000 membres, il gagne donc des dizaines de milliers d’euros par mois. »
Le procureur en charge de la lutte contre la criminalité financière en Grèce a récemment enquêté sur les dires de M. Sorras. Il a rapidement découvert que les comptes en banque contenant les 115 000 milliards de dollars étaient fictifs. J’ai fait des recherches de mon côté, en tapant simplement les numéros des comptes sur les sites des banques grecques citées. Les comptes sont non seulement inexistants, mais en plus le nombre de caractères dans les numéros de compte ne correspond même pas au nombre de cases disponibles sur les sites.
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Un samedi matin du mois de décembre, je me suis rendu dans l’un des bureaux de l’Assemblée. J’y ai trouvé Katerina, l’une des membres les plus investies, en grande conversation avec un immigré bulgare que je n’avais jamais vu auparavant. Après quelques échanges basiques, ces deux-là se sont mis à évoquer le supplément de 21 euros payé par de nombreux membres pour entrer en possession d’une lettre type rédigée par Artemis Sorras à destination des banques, lettre permettant aux membres de l’Assemblée de s’affranchir du remboursement de leurs dettes – en principe, du moins. Dans cette lettre, les membres n’ont qu’à préciser les numéros de compte de Sorras sur lesquels l’argent sera prélevé – ces mêmes comptes qui n’existent pas.
« Grâce à ces comptes, tu peux rembourser n’importe quelle dette que tu as contractée auprès de ta banque, de la Sécu, et même des impôts » m’a dit Katerina. C’est à ce moment-là que je lui ai précisé que je n’étais pas endetté. « C’est faux, tous les Grecs sont endettés, a-t-elle rétorqué. Tous les citoyens grecs sont touchés par cette dette publique. C’est pour ça qu’on nous attribue un numéro d’identification [comparable au numéro INSEE français, ndlr] à notre naissance. C’est comme ça que le gouvernement nous contrôle. Tu peux te débarrasser de ta dette en envoyant une déclaration au ministère des Finances où tu précises les numéros de compte de l’Assemblée. Pour 21 euros, tu seras libre. » D’après un prospectus de l’Assemblée des Grecs, plus de 5 500 membres ont envoyé cette lettre. Ce qui veut dire que Sorras a récolté environ 115 000 euros grâce à un simple courrier à remplir.
Les banques et les services fiscaux ont toujours démenti le fait que Sorras aurait payé les dettes des membres de l’Assemblée des Grecs. Lors de mes visites aux bureaux, j’entendais régulièrement des membres s’inquiéter à voix basse de l’absence de règlement de leurs dettes auprès de leur banque. Les leaders de l’Assemblée leur répondaient qu’ils devaient garder la foi et ne pas répondre aux coups de fil des agents de recouvrement. J’ai déjà entendu des membres demander si l’organisation pouvait leur offrir une aide juridique si jamais leur banque les traînait en justice. La réponse d’Antigone était toujours la même : « Nos avocats peuvent vous conseiller, mais ils ne peuvent pas prendre l’affaire en charge. Les frais juridiques ne sont rien comparés à la dette que vous n’avez plus à rembourser. »
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Une autre technique utilisée par la direction de l’Assemblée consiste à proclamer que les autorités grecques n’acceptent pas l’argent de Sorras car « le gouvernement est corrompu et aux mains des juifs ». L’antisémitisme était le sujet principal de beaucoup de conversations, et allait de pair avec un nationalisme exacerbé. J’ai entendu certains membres accuser l’Église grecque orthodoxe de trahison pour avoir cru en un prophète d’origine juive au lieu de se fier aux dieux grecs.
Lors de l’une de mes premières visites, les nouveaux venus et moi-même avons regardé une vidéo. Il s’agissait d’une interview dans laquelle Artemis Sorras répétait à n’en plus finir que les complots étaient partout. En gros, le message était le suivant : la Grèce est aux mains des Juifs, seuls les Grecs « de souche » sont de vrais êtres humains.
Plus tard, j’ai demandé à Antigone pourquoi elle était convaincue que l’État désirait laisser le peuple grec dans la misère en ne profitant pas de la fortune de Sorras. « Parce que ce sont des traîtres, et des juifs », m’a-t-elle répondu sans détour. « Tous nos Premiers ministres sont juifs. » Elle m’a montré un autre document qui, soi-disant, dévoilait les véritables noms des anciens Premiers ministres. VICE a contacté le Conseil Central des Communautés Juives de Grèce, qui a confirmé que la signature de leur ancien président, Moses Konstantinis, avait été utilisée illégalement.
Les théories du complot les plus banales avaient également droit de cité : seuls les Grecs de souche devraient pouvoir diriger le pays ; les vaccins ont été créés par des étrangers cherchant à détruire le peuple grec ; l’eau du robinet est empoisonnée ; et j’en passe.
Dernière chose, et non des moindres : l’Assemblée des Grecs est également persuadée qu’une partie de la fortune d’Artemis Sorras vient de la vente à Barack Obama du matériel spatial offert par le dieu Apollon.
Comme toute secte qui se respecte, l’organisation rend la vie impossible aux membres désirant la quitter pour une raison ou pour une autre. Un ancien membre de l’Assemblée m’a déclaré la chose suivante : « Peu de temps après avoir prêté serment, j’ai pu donner un coup de main dans l’organisation, j’ai vu comment les choses marchaient, et je me suis vite rendu compte qu’ils se foutaient de nous. Mais quand j’ai voulu partir, d’autres membres m’ont dit qu’ils me tabasseraient si je parlais de l’organisation à qui que ce soit. Un jour, alors que je passais devant les bureaux de l’Assemblée, un mec est sorti et a commencé à me frapper au milieu de la rue. » Les membres de l’Assemblée auraient également laissé des haches devant sa maison pour l’intimider, avant de le renverser avec une voiture.
Un soir de janvier, une dame est passée par les bureaux de l’Assemblée. Elle avait envoyé des lettres signées aux différentes institutions à qui elle devait de l’argent, mais toutes les avaient refusées. Katerina et Antigone lui ont raconté l’histoire habituelle : il fallait qu’elle garde la foi, ou alors elle avait peut-être fait une erreur quelque part. La dame a alors fondu en larmes. Elle a dit que la banque n’arrêtait pas de l’appeler car elle n’avait pas envoyé d’argent depuis longtemps. Avant de partir, elle a menacé de traîner l’Assemblée en justice. Après son départ, les membres restants ont soupiré. « Les conneries qu’il faut pas entendre », s’est exclamé un homme assez âgé. « Si Artemis Sorras était un imposteur, ça ferait bien longtemps qu’il serait en prison. »
Le vendredi 17 mars, deux mois après mon départ de l’Assemblée des Grecs, un tribunal de Patras a reconnu Artemis Sorras et sa femme coupables de détournement de fonds, et les a condamnés à huit ans de prison sans libération conditionnelle. Artemis Sorras avait été attaqué en justice par son ancien avocat, Fotis Lepidas.
Le lendemain, M. Sorras a publié une vidéo de 20 minutes dans laquelle il évoque son procès. Il en profite pour attaquer le système judiciaire et jure de ne jamais se rendre. Il appelle les Grecs à résister et à continuer leur combat contre la corruption au sein de l’État et du système judiciaire. Artemis Sorras est actuellement en cavale. Il est recherché par les autorités grecques.