L’université d’été du Medef, c’est un peu comme une colonie de vacances – sauf qu’au lieu des quelques gamins prépubères qui tentent de soulever les jupes des jeunes filles, on fait face à de nombreux patrons français. Pendant deux jours, je ne me suis pas contenté de croiser le boss d’Orange, d’Engie ou de n’importe quelle autre entreprise cotée sur le CAC40. En fait, le Mouvement des entreprises de France étant le syndicat des patrons – dans toute leur diversité –, il n’est pas rare de côtoyer des fondateurs de petites start-up qui cherchent des financements ou de nouveaux clients. Pour résumer grossièrement cette sauterie, on pourrait dire qu’il s’agit d’un endroit où les gens se rendent afin d’écouter des conférences et/ou de choper du blé.
Pour sa 18e édition, organisée comme toujours sur le campus de HEC à Jouy-en-Josas dans les Yvelines, l’université d’été a accueilli, selon le chargé de presse du Medef, un peu plus de monde que lors des éditions précédentes – environ 5 500 personnes. Pourtant, sur place, j’avais plutôt l’impression qu’il n’y avait pas foule. Ça n’avait rien de surprenant : autant l’année dernière le discours d’Emmanuel Macron avait attiré les badauds et plu à une audience conquise, autant le cru 2016 aura été sans saveur. En fait, il ne se passe jamais grand-chose de marquant lors des universités d’été du Medef. Le seul « événement » de cette édition tenait en la démission du même Emmanuel Macron et dans l’annonce de l’annulation de sa venue – il était invité en tant que « ministre de l’économie, de l’Industrie et du Numérique » et non en tant qu’homme proche du patronat.
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On peut donc dire que ma visite sur le campus de HEC était tout sauf une partie de plaisir. Mes deux journées sur place sont passées très lentement. J’ai eu le temps de discuter de choses et d’autres avec une très grande partie des hôtesses et des agents de sécurité présents pour encadrer l’événement.
Sinon, j’ai dû faire trois fois le tour du campus de HEC – que je connais désormais par cœur. J’ai également enchaîné les parties de baby-foot avec un pote photographe puis avec des types de BFM et du Petit Journal. Autour de moi, les participants passaient leur temps à téléphoner, à se battre pour choper la dernière glace dans le congélateur ou à empêcher des serveurs de remplir les réfrigérateurs en se précipitant sur eux pour leur prendre les bouteilles d’eau des mains.
Sur tous les stands, des goodies en quantité gargantuesque s’offraient aux regards envieux des passants, souvent désireux de repartir avec des chapeaux, casquettes, tote bags, sacoches, savons, stylos, jeux de cartes, carnets, batteries de secours – gratuits, évidemment. La profusion est le maître mot au cours d’une université d’été gérée par le Medef. Tout est à votre disposition. Le midi, des sacs pour pique-niquer sont offerts par les différents partenaires de l’événement – sandwich, chips, eau et cookie, rien n’est oublié. Au cours de la journée, des machines à café sont en libre-service, tout comme des réfrigérateurs remplis de produits appartenant à la tentaculaire entreprise The Coca-Cola Company .
Hormis quelques mouvements de foule pour choper des bouteilles d’eau, l’ambiance était super studieuse. Dissimulés sous un glacis de franche camaraderie et d’amusement, la plupart des patrons étaient là pour faire des rencontres ou pour se vendre. Quand ils ne faisaient ni l’un ni l’autre, les dirigeants de France se rendaient à des conférences – là où des types (souvent de droite) prenaient un micro, livraient leur diagnostic sur tout ce qui merde dans notre pays et ajoutaient qu’il fallait flexibiliser le marché du travail hexagonal.
Cette année, quatre candidats d’importance à la « primaire ouverte de la droite et du centre » – en gros, la primaire du parti Les Républicains – ont discouru. François Fillon, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et Bruno Le Maire ont tenté de convaincre les patrons de voter pour eux – ce qui, à l’applaudimètre, a plutôt bien marché pour le maire de Bordeaux et le député de l’Eure, moins pour les deux autres.
Après toutes ces réjouissances oratoires, l’heure était venue de dîner – après avoir avalé quelques canapés et englouti plusieurs cocktails pendant l’apéritif. Lors de l’ouverture des portes du restaurant, des dizaines de patrons se sont engouffrés dans un joyeux bordel. Un agent de sécurité m’a confié qu’il assistait à la même scène lorsqu’il s’occupait de l’ouverture des soldes.
Au final, dans les navettes retour faisant le trajet entre le campus de HEC et le siège du Medef à Paris, l’ambiance était somme toute lugubre. Quelques discussions d’affaires émergeaient de temps en temps, et c’était à peu près tout.
Adrien est membre du studio Hans Lucas. Cliquez ici pour découvrir son travail.
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