Mon voyage au pays des hallucinogènes

Cette dernière année de ma vie a été l’occasion d’un éprouvant voyage psychédélique. J’ai réussi à mettre la main sur quelques-unes des drogues hallucinogènes les plus puissantes et les plus rares du monde. La plupart sont illégales, et celles qui ne le sont pas ne sont disponibles que dans le cadre de recherches sur des trucs comme le GC/MS ou les affinités entre neurotransmetteurs. Si vous n’avez pas compris la fin de la phrase précédente, il vaut peut-être mieux que vous en restiez aux champis.

Mais si vous connaissez un chimiste mal intentionné, vous pourrez peut-être mettre la main sur certains de ces produits. Comment je me les suis procurés ? Disons, pour simplifier, que je me suis fait passer pour un médecin. C’est compliqué, et je ne veux pas risquer de me faire arrêter ou dépasser dans mes recherches en dévoilant mes petits secrets.


Ces drogues sont donc très rares, hyper puissantes et pas particulièrement récréatives, au sens où on l’entend habituellement. Des gens sont morts après avoir ingéré ces substances, sans qu’on sache bien pourquoi, puisqu’aucune recherche n’a jamais été faite sur leur toxicité. Il se pourrait que je me réveille d’ici quelques années avec des dommages irréversibles au cerveau. Je pourrais aussi me planter de quelques milligrammes dans les dosages et en crever. Et d’après ce que je sais, tripper à mort n’est pas une expérience amusante.

Il peut sembler étonnant que je passe autant de temps à tester des substances sans connaître leurs effets secondaires, mais c’est le but de mon exploration psychédélique : je veux plonger dans l’inconnu. Pourquoi s’imbiber d’alcool tous les soirs quand on peut boire du Gamma-butyrolactone ? Pourquoi sniffer de la coke quand on peut manger de l’éthylcathinone ? La révolution psychédélique est arrivée, bourrée de noms de drogues difficiles à prononcer, et le moment est venu d’humer le parfum du 4-fluoramphétamine.

Quelques mots sur le dosage : j’ai noté pour chaque produit les doses que je prends moi. Forcez la dose, et si vous y restez, ça ne sera pas la peine de venir râler. Un seul milligramme peut faire la différence entre un bon trip et une léthargie psychotique permanente. La plupart de ces substances se présentent sous forme de poudre blanche cristallisée et elles ont souvent le goût caractéristique de leur précurseur chimique, l’indole, qu’on retrouve dans la merde humaine. Je vous conseille de bien distinguer les différents cristaux pour éviter un cocktail mortel. J’insiste : si vous avez des trucs pareils à portée de main, faites en sorte d’être très, très prudents.

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DPT 2C-T-21

Dosage : 140 mg (voie orale), 100mg (voie nasale)
Nom de code : Le corps du Christ

Il existe, dans le Lower East Side, une église appelée le Temple de La Vraie Lumière Intérieure. Depuis trente ans, les fidèles y pratiquent l’Eucharistie avec du DPT. Apparemment, ce n’est pas facile d’en faire partie. Ils ont déjà assez de participants à ces saintes communions, où l’on se repaît de la chair transcendentale du Christ en faisant tourner une pipe au lieu d’avaler des hosties insipides. Ça se comprend. La première fois que j’ai pris du DPT, j’ai eu l’impression de traverser dix maisons hantées tellement j’étais terrifié. Des yeux sortaient de partout, et quand j’ai regardé en l’air, j’ai vu un piège à doigts chinois géant fait d’arcs-en-ciel qui voulait m’aspirer dans le ciel. En sniffant, j’ai pleuré tellement ça faisait mal. Autant sniffer une poignée de sable.

Dosage : 12 mg (voie orale)
Nom de code : Canicule
4-AcO-DMT DOC Dosage : 24 mg (voie orale)
Nom de code : La meilleure drogue du monde; certains l’appellent Aurora mais je ne m’y ferai jamais
Dosage : 3 mg (voie orale)
Nom de code : DOC Feelgood
 
 

5-MeO-DMT

Dosage : 5 mg (fumé), 15 mg (voie nasale)
Nom de code : Piège de Cristal


Une espèce assez rare de lézard du désert peut projeter cette substance pour neutraliser ses prédateurs, en les plongeant dans une stupeur psychédélique. La dose fait à peu près la taille d’un grain de sel. La fumer provoque une sorte de transe de mort. Le trip sous 5-MEO-DT n’est pas psychédélique à proprement parler. Ça équivaut plutôt à se tirer une balle dans la tête, et survivre. D’ailleurs on se pisse souvent dessus. J’en ai donné à un type bourré qui ne croyait pas qu’un truc comme du venin psychédélique puisse exister. Très vite, ses yeux se sont révulsés et il est tombé par terre, inconscient. Quand il est revenu à lui (après m’avoir vomi dessus), il m’a dit qu’il avait touché Dieu.


 
 
 
 

2C-T-7   AMT

Dosage : 22 mg (voie orale)
Nom de code : 7-Up


Encore une amphétamine psychédélique de laboratoire qui n’a jamais été très populaire aux États-Unis. Vers 2001, deux ou trois ados de banlieue en ont fait une overdose, et la DEA l’a classée au même rang que l’héroïne. La dernière fois que j’ai pris du 2C-T-7, quand j’ai commencé à tripper, j’ai pris un bus pas cher, conduit par des immigrés chinois, pour une ville à cinq heures de route de chez moi. Je me suis enfermé dans les toilettes et j’ai fait comme si je voyageais dans le temps à l’intérieur d’une fosse septique. Quand on est arrivés, le conducteur a dû forcer la porte des chiottes.

  Dosage : 40 mg (voie orale)
Nom de code : Serre-mâchoires


Cette drogue a été créée en Russie il y a 50 ans. Les compagnies pharmaceutiques l’ont vendue comme un antidépresseur appelé Idopan. Le problème, c’est que ça marche trop bien. Les gens ont vite compris qu’ils pouvaient s’envoyer dans un brouillard complètement halluciné en prenant deux fois la dose prescrite. Mon premier trip sous AMT, je devais le faire chez un ami. Je devais d’abord passer en vitesse à une soirée avant d’aller chez lui. J’ai bêtement pris la pilule avant, et je suis resté à la fête, où j’ai échangé des civilités avec les gens tout en les regardant fondre sur le tapis. J’ai passé le meilleur moment de ma vie jusqu’à ce que j’aie envie d’uriner et que je me rende compte que c’était psychologiquement impossible.
      2C-E   DIPT Dosage : 17 mg (voie orale)
Nom de code : C-Essez le feu


La 2C-E est plus ou moins apparentée à la mescaline, en vingt fois plus fort. J’ai eu des nausées si violentes que j’ai vomi par le nez. Plus tard cette nuit-là, je me suis écroulé sur un banc et j’ai observé des sexes pousser dans les arbres alignés le long de l’allée—des pénis recouverts de feuilles pointues et des gros vagins dégoulinants. J’étais assis avec deux amis et je regardais tout ça, fasciné, entre deux gerbes, mais au bout d’un moment, une passante s’est mise à taper sur son copain, à trois mètres de nous. Ça m’a fait un peu redescendre. Quand les flics sont arrivés, j’étais en train d’escalader l’un des arbres à vagins pour avoir une meilleure vue.   Dosage : 70 mg (voie orale)
Nom de code : Diphtongue


J’ai du mal à expliquer les effets du DIPT. C’est vaguement proche des champignons mais en même temps pas du tout. C’est une drogue hallucinogène totalement synthétique qui affecte uniquement les zones du cerveau dédiées à la perception auditive. Le DIPT t’aiguise l’ouïe façon oreille canine ultrasensible et fait descendre tous les sons de deux ou trois octaves. Les ondes sonores en dessous du seuil de perception humain s’appellent infrasons, et sont associées aux tremblements de terre, aux éruptions volcaniques et aux cris des baleines. Sous DIPT, j’ai pu entendre le bourdonnement infrasonique et régulier d’un parcmètre. On a l’impression d’être sous l’eau, emprisonné à l’intérieur d’un transistor cassé, ou de parler à une grenouille. Je marchais dans la rue, et j’entendais les gens parler à l’intérieur de leur appartement. J’ai aussi appris le langage des oiseaux. J’ai gardé le carnet que j’avais sur moi et où j’ai retranscrit 40 pages de cris d’oiseaux comme ça : « prrruip, kuuuyiuip, trrriuip. » Être sous DIPT, c’est comme être schizophrène, mais en plus marrant. J’ai malheureusement dû arrêter d’en prendre, après avoir un peu forcé la dose. J’ai fait un trip où j’ai été sincèrement persuadé que les sirènes de pompiers et d’ambulances faisaient partie d’une conspiration à l’échelle de la ville pour donner la migraine aux habitants.
    DMT   Dosage : 50 mg (fumé)
Nom de code : Demetri


C’est un classique, mais peu l’ont essayé. On peut se l’injecter, le fumer ou l’avaler, et obtenir des effets complètement différents à chaque fois. Un jour, j’en ai fumé 50 mg, après avoir pris un antidépresseur spécial qui empêche le corps d’éliminer la drogue. Je me suis lancé dans une dispute haineuse avec ma main gauche en faisant les deux voix, celle de ma main et celle de mon visage. J’ai dit : « Je suis désolé. Je ne prendrai plus jamais de drogue » et ma main a répondu : « C’est trop tard ! » J’avais l’impression d’être tous les tarés du passé, du présent et du futur réunis. Beaucoup prétendent avoir eu des rapports sexuels avec des extraterrestres sous DMT, mais je crois qu’avant d’essayer la DMT, ils ont connu le viol.