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Il y a quelques mois, lors d’une soirée banale, un pote m’a révélé qu’il avait déjà essayé du crack en after, à Bruxelles. On ne va pas se mentir, quand on pense au crack, on imagine plus des âmes en perdition qui traînent près des gares que des jeunes de 20 ans qui viennent tout juste de rentrer dans la vie active…
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Quelques semaines plus tard, je me retrouve à Londres en train de discuter avec un mec plutôt cool. À un moment, il m’annonce que récemment, il était défoncé dans les rues de Soho avec un sans-abri après avoir consommé ce qu’il croyait être de la coke, et non sa forme basée et fumable.
Pour affiner mes connaissances quant à cette drogue, j’ai discuté avec le docteur Félix Hever, toxicologue au CHU Brugmann de Bruxelles, afin d’éclaircir quelques points. « Les effets du crack sur un individu sont variés, me dit-il. Il s’agit essentiellement d’une libération de dopamine, mais aussi de noradrénaline et de sérotonine. » En fait, ce qu’on appelle le système nerveux sympathique est activé, de même que tous les symptômes physiques qui viennent avec : tachycardie, transpiration, hypervigilance, etc. « En bref, c’est comme si le corps se préparait à faire un énorme effort physique, remet-il. Sur le plan psychique, on ressent un état d’éveil et de stimulation extrême associé avec de l’euphorie, de la confiance en soi et de la désinhibition. » Le Dr. Hever rapporte aussi qu’au niveau des personnes toxicomanes en général, la plupart des patient·es qui nécessitent des sevrages à l’hôpital où il travaille consomment du crack.
En creusant un peu plus, je me suis rendu compte que pas mal de gens autour de moi avaient déjà essayé – soit par accident, soit consciemment – cette drogue pourtant très stigmatisée dans la culture populaire et réputée très nocive. Le crack est toujours vu comme sale et pour les « pauvres ». « Mais aussi, dans l’autre sens, malgré sa réputation, le crack est de plus en plus consommé par des personnes avec des moyens financiers importants, qui découvrent son effet intense, poursuit le Dr. Hever. Le risque d’addiction est non négligeable et les conséquences psychiques et physiques peuvent être dévastatrices. » Pour n’en citer que quelques-unes : maladies pulmonaires, infarctus cardiaque, AVC, psychose, dépression, hépatite C à cause des plaies aux lèvres et des pipes partagées, etc. « Peut-être que cela ne va dissuader personne, continue le Dr. Hever, mais d’après moi il y a certaines drogues qui sont bien plus dangereuses et dévastatrices que d’autres, et le crack en fait définitivement partie ».
Maintenant que je possède l’avis d’un professionnel, j’ai discuté avec quatre mecs de ma génération – deux amis et deux connaissances – sur leurs expériences, pour notamment souligner le fait que ça peut arriver plus facilement qu’on le pense.
James* (25 ans), Londres
« J’avais aucune idée reçue sur le crack avant d’en essayer il y a cinq ans, à part le dicton “You do crack you don’t get back” (« Si tu prends du crack, c’est sans retour »). À cette époque, j’étais assez malheureux et je venais de sortir de ma journée de travail. Je me suis dirigé vers Soho dans l’idée de m’acheter de la coke et me défoncer pour me changer les idées. Instinctivement, j’ai approché un sans-abri en lui demandant s’il connaissait quelqu’un qui pouvait me vendre de la C. Le mec était super enthousiaste et m’a convaincu de lui donner mon argent pour qu’il aille la chercher pour moi. Sur le coup, je me suis senti idiot parce que je pensais qu’il venait de m’arnaquer. Mais cinq minutes plus tard, il est revenu avec un petit sac. Je sors alors ma carte de crédit et le mec m’arrête tout de suite en me disant qu’il y a une meilleure façon d’en prendre. Il m’indique qu’il faut tout simplement mettre ça dans une cigarette et l’allumer. À ce moment-là, j’aurais évidemment dû tilter et réaliser que je m’apprêtais à fumer du crack, mais je pense que ma naïveté et mon désir profond de me défoncer à pris le dessus. Je suis banquier et notre truc c’est plus la coke, donc autant te dire que j’avais jamais vu de crack auparavant.
Au moment où je prends une taffe, je réalise que le mec sort une canette et perce un trou à l’intérieur. C’est seulement à ce moment que j’ai réalisé que j’étais pas du tout en train de prendre de la coke. Je venais de prendre une énorme taffe et ça a commencé à faire effet très rapidement. Je sais pas si tu te souviens de ces pubs pour Mentos du début des années 2000, où tout est givré autour de la personne qui vient de prendre un chewing-gum ? Eh bien, je me sentais exactement comme ça. Tout autour de moi était ralenti, frais, agréable. Je dois admettre que ç’a été un meilleur trip de ma vie, bien qu’assez court, vu qu’après 15 minutes je me sentais à peu près normal. Et je suis tout simplement rentré chez moi.
Après réflexion, je n’en reprendrai plus jamais. C’est presque étrange parce que je décrirais ma personnalité comme addictive, donc c’est un petit miracle que je ne ressente pas le besoin de recommencer. »
Alexandre* (23 ans), Londres
« À l’époque, je venais de déménager à Berlin. J’avais tout juste 20 ans. J’avais commencé à traîner avec un mec avec qui je nouais un lien assez intense. Je l’avais suivi sur les réseaux sociaux et on est devenus amis. Il avait fait mes premiers tatouages et petit à petit, il avait commencé à m’amener avec lui à pas mal de soirées. Ce mec représentait quelque chose d’assez initiatique pour moi et j’avais aussi testé quelques drogues pour la première fois avec lui.
Concernant le crack, ça avait toujours été un “non” catégorique de ma part parce que j’associais ça aux crackheads qui traînaient dans la rue. Et puis un soir, je me suis rendu à l’appart’ de ce mec. Il vivait avec sa copine, qui était elle aussi une grosse fêtarde. On commence à faire la fête et les premières lignes arrivent rapidement. Le mec me dit qu’il va aller dans un club vendre de la drogue, donc je commence à discuter avec sa copine. Bref, la soirée se passe normalement jusqu’au moment où je vois quelque chose d’inhabituel qui est en train de se passer sous mes yeux.
« Ça m’a prouvé que j’en n’avais absolument pas besoin. »
Avant de partir, le mec avait pris une bouteille en plastique et l’avait percée pour fabriquer une sorte de pipe. Je leur ai demandé ce que c’était et les deux m’ont dit fumer ça pour “se rappeler leur vie d’avant”. On continue à parler, on se défonce et très rapidement, j’ai ce truc entre mes mains. Je me pose pas réellement de question, et je fume. J’ai vite une sensation de sifflement et d’assourdissement qui arrivent, et je comprends que ce que je viens de prendre est très fort. J’ai ensuite eu un énorme mal de tête.
Le problème, c’est que quand je passais des soirées avec ce couple, ma consommation de drogues était bien trop importante, voire inquiétante. Ce soir-là, je me suis tellement défoncé que j’arrivais pas à partir. Cette expérience fait partie de ma vie, mais j’en garde pas un bon souvenir et j’en reprendrai jamais. Ça m’a prouvé que j’en n’avais absolument pas besoin. Selon moi, le crack est une drogue qui détruit. Elle détruit ton esprit, ton corps, tout. Bref, je suis sans doute bien trop pragmatique pour en consommer à nouveau. »
Kevin* (27 ans), Londres/Bangkok
« La première fois que j’ai pris du crack, j’avais 20 ans. J’étais en train de faire la fête à Londres et je cherchais une excuse pour faire durer la soirée. J’ai finalement rencontré ce groupe de personnes qui m’a gentiment invité à une after à leur coloc. La soirée suivait son cours mais certaines personnes de ce même groupe ont commencé à fumer quelque chose dans de l’aluminium. J’étais intrigué et j’ai commencé à leur poser des questions parce que j’avais jamais vu ça avant. Sans détour, on m’explique que c’est du crack et on me propose direct d’en fumer. J’ai pas réfléchi et je me suis immédiatement saisi de l’objet. Pour être honnête, je voulais tout simplement me défoncer. Le problème, c’est que quelques minutes plus tard, j’ai eu une réaction allergique et mes lèvres sont devenues très enflées. J’ai aussi eu des brûlures sur le front. C’était terrible, j’avais si mal que j’ai mis une semaine à m’en remettre. Autre détail, mon haleine sentait très mauvais pendant quelques jours. Je connaissais absolument rien à propos de cette drogue avant d’en fumer ce soir-là.
Après cette soirée, je n’en ai plus pris pendant longtemps, jusqu’à il y a trois mois. Cette année, j’ai décidé de déménager à Bangkok, et j’ai aussi décidé de re-tester le crack à cette occasion. Cette fois, j’étais complètement sobre avant de le faire et c’était incroyable, je me sentais heureux et très confiant en même temps. J’ai pas dormi du tout, je me rappelle seulement avoir fait une sieste de 10 minutes. J’ai pas voulu manger ni boire de l’eau. Je dirais que 12 heures après avoir fumé, mon cerveau était complètement mort, j’étais pas fonctionnel et je ne pouvais même pas avoir une conversation normale avec mon meilleur ami, je voulais juste être seul.
Un mois plus tard, j’ai encore recommencé et j’ai eu exactement la même expérience. D’abord la sensation est incroyable, mais tu te sens complètement inutile par la suite. Tu peux pas dormir, ni parler, et tu penses même pas à manger… un vrai légume, en gros. La descente est très mauvaise, elle m’a rendu dépressif et confus à propos de ma vie. Même ma passion pour mon job avait disparu. Beaucoup de gens fument du crack en Thaïlande, j’ai donc décidé d’arrêter de traîner avec les locaux qui m’en proposaient parce qu’ils en fument presque tous les jours, malgré le fait qu’ils ont l’air en forme et propres sur eux. »
Nathan* (25 ans), Bruxelles/Londres
« Quand j’y repense, c’est vraiment une drôle d’histoire. C’était l’été dernier, j’étais avec un pote au Kiosk, à Bruxelles. On venait de faire connaissance avec un groupe de personnes à l’allure extravagante – je vais pas les citer -, et on s’était dit qu’elles avaient l’air de savoir faire la fête. Le soleil commençait à se lever et on a décidé de faire une after à leur domicile. J’étais déjà bien avancé dans mon état d’ébriété mais tout allait bien, les oiseaux chantaient, il faisait bon et les gens étaient vraiment sympas. Arrivé sur place, je papote avec tout le monde et je vois que deux mecs commencent à s’activer dans la cuisine. Je suis quelqu’un de curieux et toujours partant pour expérimenter. Alors, quand un des mecs m’a tendu ce qui ressemblait à une pipe artisanale dans une bouteille de Perrier, j’ai fumé sans hésiter. Comme je t’ai dit, j’étais bien bourré donc ce truc m’a juste tenu éveillé pour encore quelques heures de plus. Je savais pas réellement ce que je venais de fumer. Ça aurait pu être beaucoup de choses différentes.
Huit heures plus tard, une fois dans le métro avec mon pote, on débriefe sur la soirée qu’on vient de passer et soudain on réalise que j’ai fumé du crack. J’ai plus trouvé ça marrant qu’autre chose, même si j’ai toujours associé le crack à une certaine forme de débauche. En reprendre ? C’est pas quelque chose que mon entourage consomme donc ça ne risque pas d’arriver de sitôt – à part mes voisins londoniens, mais bon ça c’est une autre histoire. »
*Noms d’emprunt.
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