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La compilation « New York Noise » de Soul Jazz est enfin rééditée

Une des choses les plus faciles à faire dans la vie, c’est de regarder les choses de l’extérieur. Vous positionner à la marge de toute scène, vous permettra d’en avoir une vision plus idéaliste et romantique. C’est de cette façon que j’ai idéalisé ce qu’il s’est passé à New York entre 1977 et 1982. Ces cinq années furent incroyablement fertiles dans les domaines de la littérature, de la peinture, du cinéma expérimental et de la musique, de Jean Michel Basquiat à Arto Lindsay en passant par Laurie Anderson ou Cindy Sherman. Comme l’a dit David Byrne, « New York était un lieu légendaire et effrayant à la fois et Downtown était une sorte de musée bohémien vivant, ce qui était particulièrement stimulant pour un jeune artiste et aspirant musicien. Tout était nouveau et excitant, pour moi du moins. C’était incroyablement funky, le sordide et la pauvreté étaient partout ».

En 2016, vous pourrez toujours vous faire une idée de ce moment dans l’Histoire où une armée de maigrichons s’est saisie de guitares et de quelques bouquins existentialistes pour prendre le monde d’assaut, grâce à la compilation New York Noise. Éditée par Soul Jazz en 2003, le disque réunissait des morceaux de Liquid Liquid, ESG, Glenn Branca et Mars, pile au moment où le NME s’entichait de groupes indie s’essayant au funk et à la disco, ressortant l’étiquette punk funk du grenier. En 16 titres, New York Noise présentait la base sur laquelle allaient se construire ou se développer des gens comme The Rapture ou !!!.

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New York Noise (Dance Music From The New York Underground 1978-1982) a été suivie de deux autres volumes et d’un livre de photos capturant une des scènes les plus explosives et stimulantes des 50 dernières années. Le mois dernier, Soul Jazz a annoncé que la compile allait enfin être rééditée. On a donc passé un coup de fil à Stuart Baker, le fondateur de Soul Jazz, pour qu’il nous parle de cette réédition et des artistes « à la fois désagréables et créatifs » qui peuplaient le New York de la fin des années 70.


James Chance & the Contortions

Noisey : À l’origine, la compilation New York Noise est sortie en 2003. J’ai l’impression que son impact a été énorme, à une époque où le punk-funk faisait à nouveau les choux gras de la presse musicale. C’était une volonté délibérée de Soul Jazz de la sortir à ce moment précis ?
Stuart Baker : Oui, autant que je m’en souvienne. En règle générale, on ne sort que la musique qui nous passionne vraiment – quelques fois, ça coïncide avec ce qui marche, d’autres fois non – et là, pour le coup, c’était raccord. Mais ce n’était pas calculé, on continuait simplement à tracer notre voie. On avait déjà sorti une rétrospective de A Certain Ratio, un album réunissant plusieurs groupes post-punk britanniques appelé In The Beginning There Was Rhythm (avec The Pop Group, 23 Skidoo, etc) et la compilation de ESG, A South Bronx Story. Au même moment, des groupes comme les Strokes étaient là, toute la bande DFA/James Murphy, et ils citaient continuellement tous ces vieux groupes no wave/punk-funk de New York, donc on trouvait que le timing était idéal pour exhumer ces morceaux dance-punk new-yorkais des 80’s.

Pourquoi cette réédition en 2016 ?
Eh bien la compilation est épuisée depuis un bon moment et ça a été un de nos disques qui s’est le mieux vendu, à tel point qu’on en a sorti deux autres volumes et un photobook (préfacé par David Byrne). Il y a quelques années, Soul Jazz a fait une sorte de choix idéologique de ne travailler qu’avec des lables indépendants sur les sorties d’albums, donc on a dû légèrement modifier le tracklisting. On a voulu proposer un truc qui sonnait aussi frais qu’à l’époque (et pour moi c’est réussi). Voilà pourquoi on a décidé de la rééditer.

Pour ceux qui ne sont pas trop au fait de cette scène, tu pourrais brièvement rappeler ce qu’il se passait à NYC à la fin des années 70, une période où se télescopaient le punk, le disco, la culture populaire et les arts ?
À cette époque, New York était économiquement et politiquement dans un trou noir et les loyers étaient du coup très bas dans la région post-industrielle de la ville (l’East Village) Ça a attiré des tas de gens pauvres, parmi lesquels des artistes et des musiciens, qui étaient attirés par le côté rugueux de New York. Et donc la créativité artistique et musicale a proliféré dans une zone relativement restreinte : Downtown. Ces artistes et musiciens ont commencé à collaborer ensemble, à monter des groupes, et chacun a réalisé qu’ils faisaient tous partis du même élan. Vu que certaines personnes impliquées dans cette scène sont devenues rapidement célèbres et ont continué à faire des choses originales (comme Blondie, Basquiat, etc), ils ont pu créer des ponts entre la culture institutionnelle et la culture populaire, le punk et le disco.


Personellement, je n’ai pas connu cette scène, donc je l’idéalise complètement. Mais est-ce que c’était vraiment aussi cool que je l’imagine ?
Les gens vivaient dans des appartement vétustes, probablement sans chauffage, mais qui rendaient bien en photo. Tous essayaient des choses nouvelles et différentes. Je crois que la plupart de ces gens étaient en quête de quelque chose. Ce qui est séduisant vu de l’extérieur, mais en réalité, je pense que ça devait être très difficile de vivre avec eux. Mais si « cool » signifie fréquenter des gens à la fois désagréables et créatifs, je pense que c’était cool.


Quels sont les morceaux qui ont changé sur cette nouvelle édition, et pourquoi ?
Pour les raisons mentionnées plus haut, Liquid Liquid, Rammellzee et ESG ne sont plus sur la nouvelle version. Dans les ajouts, il y a Alan Vega (j’ai toujours voulu avoir un morceau de Suicide mais ce n’était pas possible à l’époque), Implog (le groupe de Don Christensen et Jody Harris), des titres bonus de Bush Tetras, Konk, Mars et de l’incroyable groupe punk pré-New York Noise, Chain Gang, avec le morceau « Son of Sam ».


Une dernière question : est-ce que le monde en aura un jour marre d’écouter « Contort Yourself » ?
Non. Moi en tout cas, je ne m’en lasse pas !


L’édition 2016 de New York Noise: Dance Music From the New York Underground 1977-1982 est disponible chez Soul Jazz.

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