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Ne vous fiez pas aux apparences, Peine Perdue sont bien plus drôles que vous



Duo franco-berlinois composé de la fantômatique Coco Gallo et du génial Stéphane Argillet (l’homme-machine de La Chatte), Peine Perdue a recouvert ces dernières années de lambeaux de brumes synth-wave où plus rien ne brille, plus rien ne bouge, si ce n’est une pâle lueur sanglante et une petite odeur de mort sucrée. On a passé cinq minutes avec Stéphane et Coco pour parler de tristesse, de jeux de mots et de Front 242.


Noisey : Vous vous êtes rencontrés sur « Lovely Day » de Front 242. Racontez-nous.
Stéphane :
C’est un morceau qu’on a beaucoup écouté ensemble quand on s’est rencontrés. En particulier la version live de 1985. J’ai toujours été très fan de ce groupe. Il y a une énergie incroyable, une théâtralité, un côté SF, Métal Hurlant…
Coco : J’ai découvert ce morceau joué par Stéphane à une soirée Love Cats, où le ping-pong triangulaire de La Chatte officiait. « Lovely Day » m’a donné d’entrée de jeu, le ton et la vitesse inconnue à laquelle il allait me falloir suivre ce nouvel acolyte.

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Parlez-nous de votre concept de « mélancolie militante ». Qui de vous deux compile toutes les superbes photos de votre page Facebook ?
Stéphane :
C’est moi qui glane, parfois avec l’aide d’amis ou de fans qui postent leur propres trouvailles. C’est un simple jeu de citations cinématographiques qui au début servait juste d’illustration au nom du groupe. Pas de mélancolie militante non, ni d’internationale du chagrin. Mais oui, là où il y a de la peine, il peut y avoir du plaisir. C’est ce que dit Charles Denner dans L’Homme qui aimait les femmes, avec beaucoup de douceur et une pointe de perversion, pour consoler la petite fille qu’il croise assise en pleurs dans un escalier.

Stéphane, tu joues également dans La Chatte, un groupe qui est considéré comme plutôt extravagant, mais qui est en réalité assez profond et mélancolique. Avec Peine Perdue, vous avez une image plutôt froide et statique au premier abord, mais il y a une tension, une énergie, une sorte de menace sourde dans les titres qui rend finalement votre musique extrêmement vivante. Vous aimez jouez avec les clichés et les paradoxes ou bien c’est juste quelque chose qui vous vient naturellement ?
Stéphane :
C’est pas vraiment réfléchi. Moi je vois ça plutôt comme des bande-son de contes de Perrault. Les contes, les mythes, ce sont des clichés attachés au fond de nos casseroles. Des clichés entêtants. Je recherche la simplicité dans les mélodies et les arrangements, mais aussi l’hypnose et une sorte d’archaïsme. Le moins de technique possible, des finitions à l’emporte-pièce. Et puis il y a Coco et Vava. Deux artistes dont la personnalité me fascine et m’inspire. Leurs textes, leur voix, leur personnalité sont très différentes, presque opposées et pourtant elles collent parfaitement à ce type d’atmosphère, elles sont décalées et très présentes à la fois.

Qu’est ce qui vous a fait le plus rire dernièrement ? Et le plus déprimé ?
Stéphane :
Ce genre de question ! [Rires] Non, on fait souvent des jeux de mots sur notre nom : mon préféré est « Peigne Perdu ». Vu que nous sommes un duo assez capillaire, ça fait mouche.
Coco : Réponse deux-en-un : un vieil homme dans la rue, me prenant pour sa femme, m’a apostrophé « chérie ».

Peut-on pleurer de tout ?
Stéphane :
La preuve…
Coco : Avec joie, tout le plaisir est pour moi !

Votre public est tout sauf triste. Comment le vivez-vous ?
Stéphane :
Comme un échec lamentable.
Coco : Comme une fête, démasquée.

Peine Perdue reste un groupe assez discret. C’est voulu ou pas du tout ? No Souvenir est par exemple sorti sur un label espagnol, dans une édition très limitée.
Stéphane : On n’a jamais démarché personne. Les choses se sont faites très naturellement et plutôt hors de France. Les labels avec qui on a collaboré nous ont contacté spontanément sur Facebook et sont tous des labels indépendants étrangers. Notre première sortie était une cassette sur un label de Manchester (Vocoder). Ensuite ce sont les allemands de Kernkrach qui ont sorti notre premier album vinyle. Puis Cold Beats, un jeune label de Barcelone nous a proposé de sortir un CD.

Vous pouvez nous parler du nouvel album Disparitions, qui est prévu pour le printemps prochain ?
Stéphane :
C’est ce très chouette label américain Medical Records, qui nous a proposé l’été dernier de sortir un album. On revenait juste de tournée et c’était l’occasion de nous remettre au travail. À l’invitation d’un copain et à la suite d’un concert qu’on avait fait en Lettonie, Coco avait décidé de partir s’isoler pendant l’été dans une vieille maison perdue dans les bois, près de Riga. Une grande partie de l’album a été écrit et composé là-bas, prés de la mer, en face d’une gare délabrée au milieu d’usines abandonnées et de jardins très bucoliques. Un curieux mélange. On a travaillé par échanges de mails (moi sur le son, Coco sur les textes) et je suis allé la retrouver à la fin du séjour, pour faire une vidéo et revoir le mixage ensemble.
Coco : Tout comme No Souvenir, c’est sous forme épistolaire que Disparitions a vu le jour mais sur un temps bien plus resséré. C’est un album troublant car il n’est pas tout à fait désespéré ! Le reste m’échappe… Lors de la première écoute de l’ensemble des morceaux, Stéphane a réalisé que tous les titres traitaient de disparitions, cela aussi nous avait échappé .

Qu’est ce qui vous a le plus réjoui musicalement ces derniers temps ?
Stéphane :
William Onyeabor. Incroyable électro minimale nigérienne. Pancrace Royer, où le clavecin baroque comme préfiguration des musiques électroniques. Anne Sylvestre, « J’aime les gens qui doutent » (« Merci pour la tendresse / Et tant pis pour vos fesses / Qui ont fait ce qu’elles ont pu »…). Bref, rien de très récent.
Coco : « Spring » de Max Richter.

Sur quel morceau aimeriez-vous en finir ?
Stéphane :
« The Drowning Man » des Cure.
Coco : « Forme Noire » de Volcan