Photo – Z-Taueber
Ça fait maintenant plus de vingt-cinq que Sister Iodine se tient à une ligne de conduite simple, claire et précise : tout arracher tout le temps sur son passage. Puisant leurs forces dans les recoins les plus visqueux de la culture underground, le trio culte a développé une formule unique à la croisée des genres, avec le chaos comme seul point de rencontre. Ce qui explique pas mal la succession d’étiquettes lourdingues qu’on a toujours cherché à leur coller, celle des « Sonic Youth à la française » demeurant à ce jour la plus tenace et la plus inexacte.
Le chaos, il en est d’ailleurs question partout et jusque dans la tronche de leur discographie éparpillée : six albums en 22 ans mais aussi des projets électroniques (Discom, Minitel) et bruitistes (Antilles, Cobra Matal) dans tous les sens, mais toujours dans et vers les souterrains. Réunis à l’occasion de leur concert au Sonic Protest (qui aura lieu ce soir) et pour bosser quelques nouveaux morceaux, j’ai rejoint Lionel Fernandez, Nicolas Mazet et Erik Minkkinen dans une cave du 3ème convertie en studio pour que pour qu’ils me racontent l’histoire de Sister Iodine de leur propre bouche.
Noisey : Commençons par le début si vous le voulez bien. Vous vous êtes rencontrés comment ?
Lionel Fernandez : Erik [ Minninken] et moi on s’est rencontrés tous les deux, dans la rue comme ça, au feeling. J’étais encore ado, c’était en 88. On trainait dans le même quartier à Issy. C’était un drôle de mec qu’on voyait tous les soirs à la même heure, assis par terre à la sortie du métro et qui nous intriguait moi et mes potes.Et puis on un jour est allés le brancher. Comme ça, en reniflage, comme on fait normalement avec les filles [ Rires]. Le gars hyper sympa nous fait monter dans sa chambre de bonne, a mis une cassette de Sonic Youth et ça a matché tout de suite. Faut dire qu’à l’époque on pensait être 50 à écouter ça, alors je me suis dit : « Wow. Non seulement le mec est chelou mais en plus il écoute les trucs que je pensais être le seul à connaitre » [ Rires].
Entre temps, j’ai déménagé, passé mon bac à Lyon et on s’est un peu perdus de vue pendant deux ans. En 91 je suis remonté sur Paris, pour faire de la musique avec un groupe de gens mais ça ne marchait pas avec eux. J’ai repensé à ce mec-là, j’avais encore son numéro griffonné sur un bout de papier, son « 42.81» quoi. Je l’ai appelé pour aller voir un concert de Sonic Youth et j’en ai profité pour lui proposer de faire de la musique ensemble, ce que nous avons fait rapidement. C’est ainsi qu’est née la première version de Sister Iodine. Tout s’enchaine vite, on se retrouve à jouer dans un immense squat pour une soirée disons très… professionnelle. Il y avait plein de groupes prgrammés, notamment le side-project d’un des mecs de la Mano Negra en tête d’affiche. Et parmi tout ça, Erik et moi; en train faire notre truc bruitiste et tout branque à deux devant un truc comme 300 ou 400 personnes. Le four total. Gros blanc entre les morceaux, il n’y a que mes deux potes venus de Lyon qui applaudissent du bout des doigts, histoire d’être sympas. Il y a juste une personne qui a vraiment aimé, et c’était Nicolas…
Nicolas Mazet : Ouais, on jouait aussi ce soir-là avec mon groupe de l’époque, Alto Bruit. Un truc de Nancy, un peu no-wave, indus-bizarre, avec un saxo à la Blurt. Et j’ai donc vu Sister Iodine. Ou plutôt deux mecs qui passaient plus de temps à s’engueuler ou à s’embrouiller avec l’ingé-son, ce qui m’avait beaucoup fait marrer. Et entre tout ça, des morceaux tout pétés et dissonants, auxquels j’ai acdroché. Du coup je suis allé les brancher pour jouer avec eux. Mon colloc, qui était bassiste, a rejoint Sister aussi par la suite.
Lionel : La première année nous étions quatre, mais ça n’a pas super marché avec Christian, et c’est finalement après le concert au Zénith en 92 avec Sonic Youth qu’on a fini par trouver notre formule, à trois.
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Attends, comment tu te retrouves à jouer au Zénith avec un groupe comme Sonic Youth après une année d’existence ? Vous étiez potes avec eux ?
L.F : Non, pas vraiment. À l’époque,si tu voulais jouer il fallait écrire aux assos que tu repérais dans les fanzines, leur envoyer une cassette. Et quinze jours après seulement, ils te répondaient pour te dire s’ils étaient intéressés pour te faire jouer ou non. Mais cette fois-ci c’était nos amis de Lyon, les Deity Guns – considérés comme les sous-Sonic Youth français – qui correspondaient avec Lee Ranaldo. À l’époque, les Deity étaient plus ou moins en négociation avec lui pour qu’il produise leur disque. Avant la sortie de
Dirty, Lee Ranaldo a profité de sa semaine de promo à Paris pour venir les voir jouer. Comme on faisait leur première partie, il a vu nos deux derniers morceaux et il a flashé sur nous.
Nicolas : Il est venu nous voir, j’en ai profité pour lui filer une cassette de nos démos. Un peu plus tard, la tournée Dirty se monte et Pavement- qui devait les accompagner – annule à la dernière minute. Sonic Youth nous a donc contactés. C’étaient un truc qu’ils faisaient beaucoup à l’époque, inviter à jouer des mecs qu’ils connaissaient et appréciaient à chaque étape de leurs tournées.
Donc ce concert signe la fin de Sister en version quatuor. Comment vous abordez l’enregistrement d’ADN 115 ?
N.M : On est repartis à zéro. En laissant de côté tout ce qu’on faisait à quatre avant. Faut dire qu’on avait des structures très rock auparavant. Quand même pas couplet-refrain hein, mais bon, quelques riffs, des trucs classiques de l’époque, Erik chantait sur tous les morceaux
L.F : On est reparti sur un truc plus personnel, avec plus de recherches. Quelque chose qui soit plus représentatif d’autres influences qui étaient tout aussi importantes pour nous à l’époque : la musique industrielle, concrète. Des choses plus expérimentale en général, je pourrais aussi te citer des cniéastes comme Paul Sharits. Du coup, on s’est retrouvés à enregistrer ce disque à l’automne 93, qui était plus éclaté, plus éclectique, un peu dans tous les sens. Mais en fait assez cohérent avec nous musicalement.
Effectivement, ça ne ressemblait à rien qui se faisait à l’époque. En plus vous débarquez dans un paysage musical français bien craignos, en plein virage alternatif. Comment le disque a été reçu à l’époque ?
L.F : Dans le milieu des fanzines, dans la presse underground et quelques revues pointues, plutôt bien. Après, on n’a jamais été soutenu par aucune presse nationale d’envergure, on les a jamais intéressé. Encore aujourd’hui, on doit intéresser cinq journalistes à tout casser. Il doit y avoir un mec aux Inrocks peut-être qui nous soutient. Mais dans le petit giron de l’underground, je crois que ça a été un disque important. Loin de moi l’idée de paraître prétentieux, mais je vois bien qu’ADN 115 a inspiré des gens, des groupes qu’on a d’ailleurs fini par croiser ensuite.
N.M : On a eu cette étiquette des « Sonic Youth à la française », très rock, qui nous a collés aux basques. Et comme Sister évoluait malgré tout dans cette scène punk, alterno, les mecs qui venaient nous voir devaient s’attendre un peu à ça. Alors qu’en réalité, on était des OVNIS, on faisait quelque chose de plus radical, avec des parti-pris plus extrêmes.
Oui, on vous a toujours considéré comme un groupe de rock alors que vos sonorités étaient carrément plus industrielles, proto-synthétiques par moment…
Lionel : Exactement. En tout cas, nous n’avions aucune envie de coller à une esthétique ou à une expression musicale typée « rock ».
Mais du coup, c’était plutôt ambiance « seuls contre tous », ou vous avez réussi à développer un cercle de musiciens avec qui partager ce genre d’approche ?
L.F : Nous étions assez isolés à l’époque oui. Bien sûr, on cultivait des liens amicaux avec des groupes comme les Deity Guns – qui étaient de Lyon comme moi – et les Bastärds, avec qui on a un peu tourné. On appréciait ce qu’ils faisaient, hein, et on partageait des affiches. Mais les gens qui venaient voir les Bastärd n’appréciaient pas forcément la musique de Sister et inversement. On a été longtemps associés à ces groupes ou encore à Ulan Bator, mais musicalement, nous n’étions pas du tout dans les mêmes territoires, les mêmes envies, les mêmes ambitions. Disons que nous avions moins d’envies narratives et il n’existait pas vraiment de scène pour ce qu’on voulait faire, à savoir une musique violente, sauvage, qui nous secouait.
Le seul groupe avec lequel nous avions vraiment matché musicalement s’appelait les Flaming Demonics. En fait le seul groupe de No-wave française. Nous, à notre manière, on essayait de faire la face B de No New York avec Sister. Eux, il essayaient plutôt de faire la face A, celle avec les Contortions. C’était très méchant, très brutal, ça jouaient un peu à la Teenage Jesus And The Jerks, en mode matraque. Leur carrière a été éphémère : ils n’ont rien enregistré à part un ou deux 45 tours de répète au magnétophone cassette, sortis sur le label New Wave. Ils étaient chaotique, détéstés par tout le monde, mais brillantissimes en live. Si intenses et si punks dans leur expression musicale et humaine que ça a explosé en vol très vite. On était très proches d’eux.
En parlant de carrière, à l’époque Sister c’était du plein-temps pour vous ?
L.F : Ouais moi j’étais encore étudiant, Erik vaguement et Nicolas enchaînait les petits jobs. Mais disons que ouais, on avait déjà fait ce choix de vie précaire de ne vivre que de la musique. En même temps, on était sur des schémas de travail plus classiques en revanche, ce qui impliquait de répéter énormément, presque tous les jours parfois.
Ce qui nous amène à Pause, votre deuxième album et la séparation temporaire.
Nicolas : Oui, en fait moi je suis parti à New York dans l’idée de m’installer là-bas dès 95. Et c’est à ce moment que j’ai quitté le groupe. Lionel et Erik ont continué avec des batteurs intermittents pour l’enregistrement dePause.
L.F : Ouais on a travaillé avec un mec, Gaetan Collet qui était le batteur de Tone Rec. Un groupe très bien, qui s’était d’ailleurs formé sous l’influence d’ADN 115 m’avait-il dit à l’époque et ça s’entendait un peu. Tone Rec était la première mouture de ce qui allait devenir les DAT Politics après, pour la petite histoire. Enfin bon, on a fini par sortirPause, notre deuxième album, en 1996 et toujours sur le même label.
Le label Zeitgeist…
L.F : Tout à fait, la subdivision de Semantic qui était un des distributeur indés importants de l’époque. Ils avaient seulement sorti trois groupes à l’époque : Slushy – un groupe pas mal qui faisait un truc rare, noir et radical, à la Swans des débuts -, Bastärds et nous. Et puis en 1998, Nicolas a finir par revenir dans le groupe et on a enregistré notre troisième album, celui qui lui n’est jamais sorti.
Ah ouais j’ignorais ça. Il s’est passé quoi ?
L.F : Le label Semantic à fini par couler. Résultat, Sister a un peu éclaté, courant 97-98. Cette histoire de disque nous avait vraiment plombés. Nico était parti s’installer aux U.S et nous étions un peu en manque d’inspiration pour être tout à fait francs. Autour de nous, la musique électronique éclatait tout….
J’imagine que c’est là que vous avez amorcé votre virage electronique en fondant Discom et votre label Deco.
L.F : En fait on avait déjà des oreilles sur la techno la musique électronique via nos écoutes de Throbbing Gristle. Circa 93, ce sont les découvertes des
free parties organisées par Spiral Tribe qui nous ont vraiment excités. Et puis 95-96, on a été particulièrement secoués par les sorties d’Aphex Twin, d’Oval ou encore venant de labels comme Editions Mego… Du coup, le toisième disque avortant, le label coulant et Nicolas repartant à l’étranger, on a un peu lâché Sister. Erik et moi nous sommes concentrés sur notre projet d’extreme computer music, notre groupe Discom. Pendant quatre bonnes années, on a sorti des disques et tourné sous cette forme-là.
N.M : De mon côté je commençais à faire ma vie à New York, j’ai eu ma petite période électronique à ce moment-là, j’en faisais dans mon coin.[Erik débarque dans le studio à ce moment là]
C’était la grande époque de Büro, nom sous lequel vous commenciez à organiser des soirées dédiées aux musique électroniques, non ?
L.F : Nous avons toujours organisé des trucs et ce depuis les débuts de Sister. Entre 91 et 94, on a beaucoup gravité autour d’un lieu, les E.P.E, au 115 rue du Chemin Vert. Le titre d’ADN 115 vient d’ailleurs de là, pour la petite histoire. Nicolas y était l’ingénieur du son, Erik l’homme à tout faire et moi j’y programmais du cinéma expérimental. C’était aussi un des seuls magasin de disques dédié à la musique expérimentale à Paris. Tu pouvais y trouver de la musique concrète, des trucs issus de la scène industrielle allemande, des imports de Throbbing Gristle… Mais surtout, il y avait cette cave dans laquelle on a vu les premiers live français de Merzbow, Whitehouse, Borbetomagus, Kenji Haino, ou encore The Haters… Des trucs très violents et nouveaux, que ma meuf de l’époque programmait et sur lesquels on lui filait des coups de main.
Cette expérience, on l’a prolongée dans d’autres lieux par suite, comme la Zonmée à Montreuil par exemple. D’autre part on a dû se démerder très vite nous-même pour organiser les concerts de Sister. Par nécessité, mais aussi par cohérence avec notre envie de faire tout nous-même, de ne pas attendre les invitations pour jouer et faire jouer des gens qu’on appréciait. Büro s’incrivait dans cette continuité. À l’époque, on était à fond dans tout un pan de la scène électronique sauvage que personne ne faisait jouer à Paris. Peter Rehberg, Russel Haswell, Pan Sonic… Tous ces trucs qui nous excitaient, on les a fait jouer parce que de 97 à 99, il n’y avait aucune structure à Paris pour ce genre de musique électronique. Quelques soirées à la rigueur au Batofar…
Cette culture électronique se ressent beaucoup sur votre troisième album Helle, qui est à la croisée de ces univers.
L.F : Pas vraiment, je sais pas Helle est sorti en 2007 et on avait déjà pas mal évolué. Entre temps on s’est chopé une résidence dans la Gaité Lyrique en 2003 puis on a fait notre concert de reformation au Point Éphémère en 2004.
N : C’est surtout que l’approche d’enregistrement était vraiment différente.
Helle a été enregistré dans un studio à New York, tenu par un français, Nicolas Vernhes. C’est lui qui avait enregistré des trucs indés comme Black Dice, Cat Power… Tous ces disques qu’on aimait vraiment bien.
L. : … non pas Cat Power, pas moi [Rires]
N : Non, mais Black Dice !
Erik Minkkinen [qui arrive dans la discussion] : Ouais et encore…
N : Non, mais si, le double hyper bien enregistré là-bas. Bref, on a bossé avec lui et ça nous as ouvert sur d’autres choses qu’on ne travaillait pas avant, genre les voix tout ça…
J’ai cru comprendre que vous avez enchainé les tuiles avec ce disque.
L.F : On a effectivement enchaîné les emmerdes avec notre troisième disque jamais sorti et Helle. Juste avant la sortie de ce dernier, le patron du label impliqué, Textile, est décédé d’une leucémie foudroyante. 34 ans, un mec assez sain dans sa vie, parti en un an et demi. C’est son assistante qui a repris le truc comme elle pouvait, mais Helle était surtout son projet à lui. D’autre part la sortie du disque tombait en pleine époque d’un scandale qui avait eu lieu autour d’une expo au CAPC, le Centre d’art de Bordeaux (Présumés innocents NDLR). Des assos cathos avaient foutu le bordel et crié à la pédophilie à cause de photos de Cindy Sherman je crois, qui mettait en scène des enfants nus. Enfin bref, le livret de Helle contenait un très beau collage de Jonas Delaborde avec trois jeunes filles nues, un truc issu d’un magazine naturiste des années 70…
Nicolas : Sauf qu’elles n’avaient pas vraiment l’air majeures…
Lionel : Non mais ça restait un collage. On entrevoyait leur nudité au travers d’un travail plastique qu’il avait fourni dessus. Le truc était très beau et sans ambiguité aucune. Sauf que le boss de l’usine – qui n’avait pas regardé les épreuves graphiques avant de lancer la production – a refusé que
Helle soit mis en vente une fois que les disques étaient pressés et les livret imprimés. Ils ont tout cramé, on a pu en sauver quarante à peine. Moi-même je n’en ai aucun. Les mecs ont carrément menacé Textile via leurs avocats, en nous accusant d’appel à la péophilie. Tous les projecteurs étaient “médiatiquement” braqués sur ce genre d’affaire à l’époque, on a fini par devoir s’incliner. Et tout refaire presser aux frais du label, encore sous le coup de la mort de leur boss, tu vois le merdier. Jonas a refait un autre collage moins ambigu et Helle a fini par sortir.
S’est enchaînée une période assez productive ensuite, on est resté dans des locaux à Sévres pendant cinq ans. On a trout enregistré là-bas, à la maison, on ne voulait pas ré-itérer l’expérince de studio professionnel. Un ami à nous, Raphaël Seguin, venait nous voir avec du matos et nous enregistrait sur place, en plusieurs petites séquences qui ont fini par donner Flame Desastre. Puis on a tourné au Japon pour faire un live à Tokyo avec un mec qu’on appréciait beaucoup, Masaya Nakahara de Violent Onsen Geisha et Hair Stylistics. Qu’on a enregistré et sorti, ce qui a donné le disque
Meth.
On arrive donc sur le début de la trilogie sortie sur Premier Sang, le label d’Hendrik Hegray (co-fondateur de la publication Nazi Knife avec Jonas Delaborde justement et qui joue sous le blase de Z.B.AIDS). Vous l’avez rencontrés comment ?
E.M : Il trainait dans un bar avec nous alors qu’il pouvait pas encore boire [
Rires].
L.F : Ouais, il était lycéen et il habitait en face de ce rade, le Zorba pour ne pas le nommer, où on était tout le temps ainsi que quelques dessinateurs dont on était proches. Des gars comme Kerozen, qui a sorti ses premiers fanzines d’ailleurs. Hendrik était déjà précoce, bien au courant de tous ces trucs, et très vite on a accroché. Et très vite il s’est mis à boire, et puis tout a suivi [ Rires].
Pour revenir à ces trois disques, vous avez vachement durci le son. Tout est devenu plus crade, plus haineux.
L.F : Erik et moi on a évolué dans notre son de guitares, il y a quelque chose de plus aigu, de plus sale. On avait une vision plus radicale, inspirée autant par les trucs positifs que negatifs. De toutes façons, je me sens autant influencé par ce que j’aime que ce que je par déteste.
E.M : Sur Flame Desastre tour le jeu est plus aigu. Et puis j’ai changé d’ampli [ Rires]
D’ailleurs, Lionel citait pas mal de trucs violents comme Kickback, Peste Noire et plus généralement le black metal dans les influences de Blame, votre dernier disque en date…
E.M : Moi je n’ai jamais été très fan de black. Mais dans ces périodes là y’a eu quelques trucs qui m’ont marqué, des évenement violents, des catastrophes naturelles, ou plutôt pas vraiment naturelles comme Fukushima. Je pense qu’on est dans une musique radioactive, une musique qui devient aussi violente que le monde qui nous entoure.
N.M : Le côté satanique et malsain du black, c’est toujours des trucs qui m’ont attiré. J’ai beaucoup écouté des trucs comme Venom, et ce depuis ma jeunesse…
L.F: On va dire que le black etait une influence indirecte. Le venin du black c’est quelque chose qui a des résonnances dans ce qu’on a fait et dans ce qu’on veut faire. Pas tant dans la philosophie, mais plutôt dans cet état d’esprit retors et malsain. Alors forcément, des trucs comme Peste Noire, Kickback, ça me parle. D’ailleurs je suis devenu ami avec Stephen [Bessac, chanteur de Kickback], on a un projet ensemble qu’on va enregistrer cet été. Stephen est un mec incroyablement érudit et pointu quand on en vient au Power Electronics ou toutes ces musiques déviantes. Ce mec a une collection de cassettes des gens les plus tarés du monde : de Thaïlande, d’Italie, d’Allemagne… Quand on se parle, on est en symbiose totale. Pour moi on cherche la même chose. Kickback fait du hardcore, PN fait du black, nous on fait notre truc entre le rock, la noise et le chaos… Mais pour moi, on aspire au même venin.
Ça me semblerait idéal de partager des scènes avec eux. C’est d’une cohérence absolue quand bien même la forme diverge. Et puis surtout tu sens que Kickback est un groupe de vrais méchants, il ny’a pas de pose. La seule théatralité d’un groupe qui va maitriser son show, ça me suffit pas. D’ailleurs, les seules musiques qui nous excitent sont des musiques dangereuses et incarnées, dans lesquelles tu sens qu’il y a un truc pourri, un truc de travers. C’est ce qu’on veut faire avec Sister. Un truc absolument intranquille, qui produise des sensations mêlées, où violence et apocalypse sont jamais loin. Un truc vicieux. Un truc qui te fasse sentir la réalité.
Bon et après 20 ans, vous vous sentez toujours autant isolé ou vous avez votre « scène » maintenant ?
L.F : On est proche des gens qui sont franc-tireurs dans leur genre. Typiquement les groupes que l’on a fait jouer pour nos vingt ans. Comme Astreinte, de Pau, qui compte en son sein des sauvages hyperpuissants venus des quatre coins de la noise, de l’expérimentation. Jérôme Nottinger, aussi qui fait de la musique concrète, ou encore les Subtle Turnhips, Opéra Mort ou les Dust Breeders. Hendrik dans son genr. Des gens issus de la sub-scene active, comme les mecs du Non Jazz aussi. Mais dans notre créneau, ce mélange de rock et de chaos, nous somme toujours isolés.