On ne l’attend plus tellement et on est toujours un peu surpris de le retrouver, a fortiori avec un disque aussi solide qu’Adrian Thaws. Moins éclaté que ses dernières productions, le 9ème album du Prince Noir de Bristol (sortie le 8 septembre), s’il n’est évidemment pas aussi sombre et radical que son chef d’œuvre Pre-Millenium Tension, renoue parfois avec les ambiances rêches et narcotiques de Maxinquaye ou Angels With Dirty Faces. Malgré sa réputation de client ingérable en interview –nombreux de nos collègues en ont fait les frais- j’ai été passer un moment avec lui pour lui poser quelques questions sur Paris, Gaza, son possible retour dans Massive Attack et sa brève carrière au cinéma.
Noisey : Je ne m’attendais pas à retrouver Nneka sur ton album. Comment s’est faite la collaboration ?
Tricky : Je l’aime bien parce que c’est une femme forte. Les filles comme Rihanna sont incapables de rester habillées très longtemps. Perso, ma fille a 19 ans maintenant, elle sait ce qu’il faut faire et ne pas faire. Mais si j’avais une fille de 7-8 ans, je la laisserais pas écouter du Rihanna, ni regarder ses clips. Nneka parle d’Afrique, de liberté, de dignité, il en faudrait plus des comme elle. Les trucs comme Nicki Minaj et tout, c’est dégueu. C’est pas bon pour les femmes.
Rihanna je m’en fous mais je vais te demander de laisser Nicki Minaj tranquille, s’il te plaît.
[Rires] Non mais le truc c’est que Nneka par exemple, joint aussi le geste à la parole. Elle fait des choses en Afrique, des trucs politiques, ce genre là. Elle va dans des manifs, elle se bat pour des causes, elle se bouge vraiment… Elle agit. Ça ne se limite pas qu’à la musique.
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Pour toi c’est important d’aller dans le concret au-delà de simplement faire des chansons ?
Bien sûr, les musiciens ont une responsabilité. C’est pas tout le monde qui a accès aux médias comme ça, qui peut exprimer une opinion. Alors t’es censé parler un peu des gens qui souffrent, qui ont une vie plus dure que la tienne. Pas juste montrer ton argent, ta grosse baraque et de toutes les meufs que tu peux avoir. « 99 problems but a bitch ain’t one »… Non. J’ai des filles, je peux pas parler comme ça, je veux que les femmes se sentent fortes. Mettre en valeur la Femme Noire, qu’elles soient fières. Rien que le mot « bitch »… On vient tous d’une femme, je comprends pas comment on peut les insulter comme ça. C’est mieux de parler des injustices et des trucs qui clochent dans le monde.
Du coup si j’aime pas certains sons c’est de sa faute alors.
[Rires] Ouais, voilà !
Sur cet album, figure un morceau intitulé My Palestine Girl. Malheureusement l’actualité a rattrapé la musique. Ça t’inspire quoi ?
Il n’y a pas beaucoup d’espoir, Israël est un état terroriste. C’est facile de montrer des mecs qui font des attentats, mais faut comprendre comment ils en sont arrivés là. On leur fait vivre un enfer. Israël est un pays tellement puissant, avec pas mal de soutiens, les sionistes sont super forts aux États-Unis par exemple, c’est eux qui ont la main. Personne veut vraiment aider le peuple palestinien. J’ai été en Israël, il y a plein de gens bien là-bas. Et nombreux sont ceux qui ne sont pas d’accord avec ce que fait leur pays. C’est juste que comme les médias sont pro-sionistes, on n’en entend jamais parler. Mais… Ce que fait Israël, c’est du terrorisme, c’est comme l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid.
Les gosses de la région n’ont aucun espoir, rien du tout. Les grands artistes n’abordent pas le sujet parce qu’ils savent que ça leur coûterait des passages radio ou télé. C’est diabolique, les mecs là-bas sont endoctrinés et leur État, c’est des terroristes, des monstres. Tout comme l’Amérique est un état terroriste, l’Angleterre aussi, la France aussi. Partout où ils ont voyagé, ils ont pillé en fonction de leurs besoins, en asservissant les gens. Ça a toujours été comme ça. Ce qu’Israël est en train de faire, c’est mal. Si t’es pas touché par le sort du peuple palestinien, ça veut juste dire que t’es dépourvu d’émotion. Ça craint. Et si tu connais un peu l’histoire, tu sais que par-dessus le marché, c’est pas leur pays. Ils ont aucun droit de faire tout ça. Des rabbins protestent en ce moment, parce qu’ils savent qu’en réalité ça va à l’encontre de leur religion. Et même eux ne sont pas écoutés. En vrai, le gouvernement israélien c’est une mafia, ils ont des méthodes de gangsters.
J’espère que plein de gens extérieurs soutiendront le morceau, et si possible que beaucoup de « Palestinian Girls » l’écouteront mais… si une seule fille palestinienne tombe dessus par hasard, et qu’elle entend cette histoire qui parle de mon amour pour une fille de Gaza… Si elle retient qu’il y a un gars à Londres qui l’aime, ce sera déjà ça. Juste ce simple message : y’a un mec à Londres, et il t’aime. Si ça peut lui changer les idées l’espace de ces 3 minutes, je suis heureux.

On m’avait dit que tu étais relou en interview, mais ça va en fait.
Je peux être chiant face à des mecs chiants. S’ils m’attaquent ou s’ils insistent encore et encore avec les mêmes questions lourdes, je peux m’énerver ouais. Mais pas sans raison, moi je suis ouvert, je peux parler de tout.
Massive Attack a dit récemment à la presse que tu allais participer à leur prochain projet, tu confirmes ?
Bah je participerai avec plaisir, sans problème, mais ils doivent d’abord me prévenir [Rires]. J’étais pas au courant, j’ai découvert ça dans la presse comme tout le monde ! Je suis pas contre, mais on doit en parler. Et il faut que ce soit de la bonne musique, quelque chose de fort. Je n’ai pas la même vision qu’eux : je me moque d’être au top des charts, eux c’est une marque, ils ont une obligation de résultat. Je ne suis pas d’accord avec tout mais nous ne sommes pas en mauvais termes. On peut faire un très bon morceau… s’ils me laissent le produire [Sourire]. Je pourrai leur ramener cette vibe qu’on avait avant, qui faisait que les gens les aimaient et qu’ils ont, je pense, un peu perdu au fil du temps. Ça pourrait être quelque chose de très, très bon. Appelez-moi les mecs !
Yérim Sar ne prend jamais de vacances. Il est sur Twitter – @spleenter
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