Cet article est tiré du numéro « The Holy Cow Issue » du magazine VICE
Après avoir été le leader des manifestations de Ferguson, DeRay McKesson est devenu une sorte de militant nomade. Lorsque le policier Darren Wilson a abattu l’adolescent Michael Brown, McKesson a décidé de se joindre aux manifestations sur un coup de tête, avant de devenir une célébrité sur Twitter. Depuis, il est devenu l’une des figures de proue du mouvement Black Lives Matter et du plan de réforme Campaign Zero. Mckesson s’est particulièrement illustré durant les manifestations de Baltimore et de Charleston, en Caroline du Sud, où il fut beaucoup moins bien accueilli, comme en a attesté le mot-clic #gohomeDeRay. Depuis, McKesson est effectivement rentré chez lui. Il s’est même présenté comme candidat aux élections municipales et semble déterminé à prouver à ses détracteurs qu’il est taillé pour la politique
VICE : Vous vous êtes révolté contre l’ordre établi. Pourquoi voulez-vous en faire partie?
DeRay Mckesson : Le mouvement Black Lives Matter repose sur la volonté de dire la vérité au public, et je n’ai pas changé de point de vue sur la question. Dans le cadre de ce mouvement, on voulait surtout éviter que la police tue d’autres innocents. Maintenant, je me présente aux élections en partant de cette question : « Combien de temps faudra-t-il avant d’assister à un vrai changement? »
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer?
J’ai beaucoup réfléchi, mais ça s’est fait très vite. Je me suis dit qu’il n’était pas possible de rester les bras croisés. C’est le moment ou jamais. À quoi bon voter pour des politiciens traditionnels quand on constate où ça nous a menés?
Vous avez soulevé des problématiques sur le privilège des Blancs et les luttes des Noirs. Pourquoi vous présenter dans une ville où les leaders noirs sont légion?
Ce n’est pas parce que l’on voit des leaders noirs que les résultats seront différents. Ça signifie simplement que des gens endossent ce rôle avec une autre perspective — qui, avec un peu de chance, influencera leur manière de prendre des décisions. Ce n’est qu’une hypothèse, j’en ai bien conscience.
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Photos : Shane J. Smith
Une partie de votre célébrité est due à votre engagement sur les réseaux sociaux. Comment l’abordez-vous?
Je vois Twitter comme un ami éveillé en permanence. Il me permet à la fois de synthétiser des informations et de partager toutes sortes de choses avec le monde. J’aime les gaufres, et je tweete parfois à ce sujet. Je parle aussi des informations et de questions d’égalité et de justice. Tout ça fait partie du monde dans lequel je veux vivre.
Maintenant que vous êtes connu partout au pays, pensez-vous que devenir le maire de Baltimore soit l’utilisation la plus pertinente de votre temps?
Oui. Ce que nous avons fait durant les manifestations, et ce que les autres continuent de faire, c’est dire la vérité, tout simplement. Nous exerçons des pressions sur le système pour rendre justice aux gens. Ces dix-huit derniers mois, nous avons appris qu’une grande partie de ce travail se faisait à l’échelle d’une ville.
Qui vous inspire?
Un jour, Diane Nash, une militante pour les droits civiques, m’a dit : « Si nous avions écouté ceux qui nous disaient qu’il existait une meilleure manière d’agir, nous n’aurions jamais agi. » Je pense souvent à elle. Et je pense aussi aux gens qui nous ont demandé de rentrer chez nous en août 2014. Et regardez ce qui s’est passé par la suite. Je sais que nous n’avons pas inventé la résistance ou découvert le concept d’injustice. Beaucoup de gens ont œuvré pour faire avancer les choses avant moi.
Qu’avez-vous à dire sur Teach for America? Les gens sont très critiques sur votre rapport avec cette organisation.
Les gens aiment bien se défouler sur moi pour apaiser leur frustration. J’étais un membre important de cette organisation entre 2007 et 2009, et ça fait partie des nombreuses expériences qui m’ont aidé à comprendre les possibilités et les promesses de villes comme Baltimore. Il y a des gens très frustrés par rapport à TFA. Cette organisation a ses défauts, comme beaucoup d’autres. Et les gens ont raison de tout faire pour qu’elle s’améliore de jour en jour.
Vous voulez embaucher des gens affectés par les violences policières afin qu’ils dirigent des formations antiracistes?
La communauté doit faire partie des deux côtés de l’équation. Elle ne doit pas être seulement la partie qui subit le travail des policiers. Elle doit aussi être de l’autre côté. C’est une autre façon d’investir dans la communauté, de prendre l’argent donné à des experts qui ne comprennent rien à ces communautés et le mettre dans les mains de ceux qui les comprennent le mieux : ceux qui y vivent.
Admettons que vous remportiez les élections : où vous voyez-vous dans dix ans?
J’ai hâte d’être le maire de Baltimore. Je veux apporter des changements concrets dans la vie des gens aujourd’hui et demain. Peut-être que je prendrai ma retraite sur une plage et dirai aux gens : « Soyez libres. »