C’était la fin de l’été à Oslo quand Mats me demande si je peux venir prendre des photos pour un petit festival qui aura lieu dans l’arrière-cour d’un squat, dans le quartier de Gamlebyen.
Les pétitions et les collectes de fonds n’ont servi à rien ; dans quelque temps, les occupant·es seront expulsé·es par le conseil municipal. Alors, ce festival c’est comme une excuse pour organiser une grosse fête, histoire de faciliter un peu la transition.
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L’endroit est en quelque sorte fait pour ça. L’Oslo Gate 35, géré par une dizaine de personnes, qui forment un collectif d’artistes, accueille souvent des shows ou des rencontres. Il y a aussi une salle de répétition. C’est un lieu de contre-culture important pour le quartier.
La Bane NOR, la société chargée de gérer l’infrastructure des chemins de fer norvégiens, propriétaire de l’immeuble, avait permis au collectif d’investir le bâtiment, avant de récemment ordonner qu’il soit vidé, pour le récupérer plus tôt que prévu. À Gamlebyen, il n’est pas rare de croiser des bâtisses et des maisons vides, et ce lieu va s’ajouter à cette liste, alors que Bane NOR ne semble même pas avoir de projet concret à y mener. L’entreprise justifie la résiliation du contrat par l’état de l’immeuble ; de gros travaux seraient nécessaires.
Mats joue dans trois formations de punk hardcore : Asinin, Assistert Sjølmord et Que Lindo. Il est devenu en peu de temps une figure assez active de la scène scandinave, aussi parce qu’il organise des events et en conçoit la plupart des affiches – quand il n’est pas un genre de D.A. pour d’autres graphistes. C’est un gars que je connais via le skate, et je l’ai fréquenté pendant mes trois années à Oslo.
Le jour de l’événement, l’atmosphère est chaleureuse. Les résident·es ont préparé un buffet et les concerts se succèdent. Dans ce genre de contexte, mes compétences de photographe de skate se montrent assez utiles : réagir rapidement, s’approcher des gens et appuyer sur l’obturateur au hasard. Chercher le moment décisif. Mais surtout, rester debout et protéger l’appareil photo des bras et des jambes qui volent. Dans ces moments-là, plus on enfile les verres, plus on devient audacieux. De l’ivresse et du sport.
Reste que l’ambiance générale est bon enfant, loin d’une violence présumée à laquelle les plus béotien·nes pourraient nous associer. La présence de gosses en atteste.
Les concerts suivants auxquels j’ai pu assister étaient organisés dans les sous-sols et les salles d’autres squats. Ces lieux, comme Barrikaden, Blitz ou Hausmania, anarcho-communistes et autogérés, sont reconnus par la ville et fonctionnent comme des centres culturels. Ils tournent grâce à des bénévoles et sont des jolis refuges pour quiconque voudrait mettre en place un projet discret ou au stade d’ébauche.