VICE et le Red Star se sont associés pour vous faire découvrir les Vert et Blanc de Saint-Ouen. Nous serons présents sur les terrains et dans les vestiaires, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd’hui, trois journalistes, et hommes des médias, nous racontent certains de leurs souvenirs liés au Red Star.
Claude Askolovitch (France Inter, Arte)
« J’ai 55 ans et quand j’étais petit, la seule équipe parisienne qui jouait en première division, c’était le Red Star. Quand j’ai commencé à me rendre au stade au début des années 1970, le club avait de bons joueurs comme le gardien de but Christian Laudu ou un défenseur paraguayen, Carlos Monin, qui était un tueur. A l’époque, quand tu allais voir jouer l’Etoile Rouge à Saint-Ouen, il y avait déjà cet immeuble bizarre derrière un des buts. Et derrière l’autre, une sorte de talus où on allait se mettre pour voir le match… Et on appelait le club le Red Star, pas « Le Red », cette expression de hipster !
J’ai toujours été très sentimental par rapport au Red Star, à son histoire riche – il a quand même été plusieurs fois vainqueur de la Coupe de France avec les légendes Lucien Gamblin en capitaine et Pierre Chayriguès en gardien – et compliquée, notamment lors de fusion avec le club de Toulouse qui appartenait au milliardaire communiste Jean-Baptiste Doumeng à la fin des années 1960. Il y a aussi cet esprit « loose » qui le caractérise. Cette équipe, c’est toujours un bordel, mais c’est un pied absolu. Le jour où on me dit que l’Etoile Rouge n’existe plus, je me tire une balle.
J’ai emmené mon petit garçon à Bauer à l’automne dernier, comme j’avais emmené son grand frère et sa grande sœur il y a vingt ans ! C’est un rituel. Je me demande malgré tout si je n’aime pas plus le Red Star d’avant que celui d’aujourd’hui parce que j’ai une vie de con et pas le temps d’aller le voir jouer même si ça fait partie de ma vie… C’est un peu comme une personne que tu aimes énormément mais que tu ne vois pas tant que ça au final.
Quitter Bauer ? Quand tu retires un club de ses racines, ça fait chier, ça se casse la gueule. L’Ajax d’Amsterdam n’a jamais été aussi bon que dans son ancien stade et Arsenal ne se remettra pas du départ d’Highbury. On ne devrait jamais quitter Montauban ! »
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Laurent Jaoui (Canal +)
« Le Red Star, c’est l’équipe que j’aime par-dessus tout. Quand j’étais enfant dans les années 80, et même si j’étais de la banlieue sud, j’ allais souvent voir des matches avec mon père. À l’époque, il y avait deux choix pour voir du football : le Parc des Princes et le PSG ou Bauer et le Red Star. Et je préférais toujours aller à Saint-Ouen pour plusieurs raisons : les Puces dès la sortie du métro, l’ambiance qui règne dans le stade, l’odeur de merguez, l’immeuble qui le jouxte le stade. Il y a aussi ce côté “résistant” que j’aime beaucoup et cette volonté de s’en sortir malgré des résultats pas forcément terribles, le tout sans se prendre trop au sérieux.
Lorsque j’allais au stade, les joueurs étaient très accessibles. Ils parlaient tout le temps avec les supporters sur le parking. De notre côté, on était toujours debout les uns à côté des autres dans ce qu’on appelait les Pesages. On entendait les joueurs se parler sur le terrain et eux nous entendaient aussi. Je me souviens d’ailleurs d’un Red Star-Bastia, le match avait été arrêté à la demande de l’arbitre, Robert Wurtz, la star de l’arbitrage à l’époque, car il se faisait insulter par un gars. Il a fallu que la personne sorte du stade pour que la rencontre reprenne.
Quand j’ai commencé à travailler à Europe 1 dans les années 90, j’étais évidemment volontaire pour aller commenter les matches de l’Etoile Rouge en tribune de presse… Je trouvais ça formidable et je me rappelle notamment d’un Red Star-OM mémorable qui s’est disputé lors de la saison 94/95 lorsque les deux équipes étaient deuxième division. Le stade était plein, il y avait des gens perchés dans les arbres pour voir le match. Des supporters du PSG étaient venus pour se frotter aux ultras marseillais… Et ces derniers ont même fini par envahir la tribune de presse après un gros mouvement de foule !
Aujourd’hui, je vais à Bauer quand je peux. Le plus régulièrement possible car c’est un endroit où je me sens bien sans que je puisse l’expliquer totalement. Quand je suis au niveau de la porte de Clignancourt ou de la porte de Saint-Ouen sur le périph’ et que je vois les spots du stade, ça me rassure. Et pareil quand je vois le Sacré-Cœur depuis les tribunes de Bauer… »
Hubert Artus (Causette, Marianne…)
Mon club de coeur, ça reste l’OM, parce que j’habitais à Marseille il y a vingt ans et que c’est la plus grande équipe du monde à mes yeux. Après, il y a eu le Red Star. J’habite à Paris depuis 1996 et le PSG ne m’a jamais passionné. Ce club n’a jamais correspondu à mes valeurs et encore moins maintenant. Et puis, on ne peut pas supporter l’OM et le PSG. Du coup, à la fois à cause de cet antagonisme et par un déterminisme social – le PSG est un club bourgeois, fondé par Daniel Hechter et moi, j’ai longtemps milité à l’extrême-gauche – j’étais en quête d’un club qui ressemblait à mes valeurs. Le Red Star, un club ouvrier, de la banlieue rouge, a été le club que je recherchais. Son histoire antifasciste était en accord avec la mienne.
Avant d’arriver à Paris, j’avais peu de connaissances du club. Quand j’étais minot dans les années 1980, ce nom m’intriguait : c’est un nom anglais au milieu des Paris Saint-Germain, Olympique de Marseille, Louhans-Cuiseaux, etc. Pourquoi Red Star et pas Etoile Rouge ? C’est beaucoup plus tard que j’ai découvert que c’était le club de Jules Rimet, qu’il a joué au Vélodrome d’Hiver et qu’il s’est installé après la guerre à Saint-Ouen, une fois que le Vel d’Hiv a été rasé. Il y a une grande histoire politique et donc citoyenne derrière le club. J’espère qu’un jour quelqu’un écrira le grand roman du Red Star, comme ça peut exister pour des clubs anglais ou sud-américains. Il y aurait matière.
En 2010-2011, j’ai commencé à aller à Bauer plus régulièrement. J’avais par exemple rencontré à l’époque Léon Foenkinos, capitaine de l’équipe en 1942-43, par ailleurs grand-oncle de l’écrivain David Foenkinos. Mes souvenirs de Bauer, c’est par exemple la réception de Marseille-Consolat en janvier 2015. Le match avait lieu juste après l’attentat de Charlie Hebdo, dans une ambiance assez anxiogène. Je me souviens aussi des derniers matches de Steve Marlet qui avait fini sa carrière au Red Star, je l’avais déjà suivi lorsqu’il jouait à l’OM.