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Elden Ring est aussi beau que chiant

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Voilà déjà plusieurs jours que j’arpente l’Entre-Terre, le royaume perdu d’Elden Ring – la nouvelle production des japonais de From Software, créateurs de la série des Dark Souls, soit le jeu préféré des emos de votre ancien lycée. Ici, je suis un Sans-Éclat, un exilé qui a perdu la grâce et doit traverser le royaume pour devenir le Seigneur d’Elden. Ce pitch assez sommaire tenait en un mot dans la main d’un cadavre pourrissant sur le sol au début de l’aventure : « Prends Elden Ring », disait-il. Ok. Sans doute le corps de George R. R. Martin pensais-je, qui apparemment a participé au scénario du jeu. 

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Plus loin, je poussais la lourde porte en bois massif de l’église dans laquelle je me trouvais après un tutoriel étonnamment simple et découvrais le monde d’Elden Ring. Avant toute chose, la déontologie journalistique qui m’habite quotidiennement ne me laisse d’autres choix que de mentionner les magnifiques décors qui meublent l’espace d’Elden Ring. Des châteaux sombres et acérés aux marais inquiétants et brumeux, l’ambiance mortifère d’un open world où ne semble régner que souffrance et solitude opère d’entrée. Les développeurs ayant fait le choix de bâtir un monde immense et travaillé – à l’inverse des couloirs de Dark Souls – me semblait tout de suite une excellente idée. Faible, mais libre, je ne pouvais attendre plus longtemps pour découvrir tous les recoins de cette map immense, d’écouter ses habitants damnés me parler de la mort et visiter les 145 grottes qui la composent.

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Mais cette excitation proche de celle que l’on ressent à la sortie d’un train en direction de la Vendée a vite été dissipée par tout ce qui compose le reste du titre de From Software : pas grand-chose.

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En bon RPG, Elden Ring, comme Dark Souls avant lui, propose un gameplay peu original. À savoir, beaucoup de combats très punitifs et beaucoup de loot jusqu’à engranger de l’XP pour monter en niveau. Sans surprise, mon quotidien d’explorateur dans l’Entre-Terre s’est très vite limité à : esquive, attaque, esquive, attaque, esquive, attaque, esquive, attaque. Le tout en mourant 40 fois par jour à cause d’une lance téléguidée de 12 mètres de long. Je découvrais une zone, je tuais des monstres, je décédais puis tentais de les vaincre de nouveau, décédais encore, recommençais et ainsi de suite jusqu’à parvenir à mon salut. La répétition des actions était telle que lors d’une fatigue extrême proche de la fièvre, j’avais hésité à acheter un jeu Ubisoft en promotion – avant de reprendre mes esprits.

Est-ce là l’apanage de tous les jeux modernes ? Peut-être. Malgré tout, je continuais mon chemin à travers la beauté vide d’Elden Ring, simplement peuplée de monstres et autres soldats qui semblaient avoir le champ de vision d’un vieux labrador.

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Au milieu de ce véritable Dokkōdō (ou Chemin de la solitude, de Miyamoto Musashi), venaient ensuite les boss. Véritable pierre angulaire du titre de From Software, tous demandent un effort conséquent pour être battu. S’il est quasiment impossible de sortir victorieux du premier coup, le seul moyen d’y arriver est bien souvent d’apprendre leur chorégraphie de coups par cœur, tout en enchaînant soi-même parfaitement les esquive, attaque, esquive, attaque, esquive tel un Kamel Ouali du RPG moderne. Et recommencer cela autant de fois que nécessaire pour en venir à bout.

Si la difficulté et la répétition peuvent être source de satisfaction, elles sont ici épuisantes tant le jeu ne propose rien d’autre. Après une dizaine d’heures, j’avais oublié ce que je faisais là. Mon corps avait intériorisé que ce jeu n’avait pour but que de me faire prendre de l’XP. Certes, je découvrais le reste du royaume dont la direction artistique ferait s’évanouir n’importe quel fan de Halo Infinite, mais pour y faire quoi ? Rien. Enfin si, je pouvais faire :  Roulade-roulade-attaque-esquive-roulade-roulade-attaque-roulade-attaque.

Sur Twitter, beaucoup de fans et de journalistes ont mis en avant l’aspect exploration et libre d’Elden Ring, où grosso modo l’on ne vous dit rien et où le joueur est livré à lui-même – surfant sur l’occasion pour moquer les jeux Ubisoft pour leur côté très accessible (que l’on peut retirer d’ailleurs), où l’on dit exactement où vous devez aller et à qui vous devez parler. Loin de moi l’idée de défendre Ubisoft corps et âmes, mais si on vous laisse seul dans Elden Ring, c’est tout simplement qu’il n’y a rien à vous dire. Aucune interaction, aucun scénario et aucun but. À part « Rendez-vous dans le marais et tuez tout le monde », je ne vois pas bien.

Toute l’ambiance du jeu, aussi belle soit-elle, n’est là que pour enrober ce sempiternel triptyque “nouvelle zone-ennemis-boss”. La narration est inexistante, l’histoire tient dans une note iPhone et le monde reste terriblement vide. Ce titre a beaucoup été comparé à Zelda : Breath of the Wild pour son exploration justement. Pourtant, le titre de Nintendo propose un semblant de scénario, des interactions avec beaucoup de PNJ et beaucoup de missions sans pour autant être dirigiste. 

Elden Ring est un jeu à la direction artistique fabuleuse mais où chaque ennemi est un défi contre soi-même, un genre de délire de l’XP pour ceux qui font des marathons. Et un monde virtuel sans histoire et sans vie est un monde sans âme. Mais si on suit le proverbe japonais qui dit que, « L’espace d’une vie est le même, qu’on le passe en chantant ou en pleurant », autant y jouer un peu.

Paul est sur Twitter.

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