Music

Le guide Noisey pour former un groupe


Avant de monter un groupe, il est important de se poser deux questions :

1. Pourquoi ?
2. Pourquoi un groupe ? 

Videos by VICE

Ce n’est pas une plaisanterie. La musique est sacrée. La musique est un plaisir. La musique est peut-être la plus ancienne forme d’art et peut-être aussi la plus accessible. Malgré ce qu’on a pu vous dire, n’importe qui peut chanter. Notre culture perçoit souvent le fait d’être musicien comme un moyen de devenir riche et célèbre, alors que ce n’est au mieux qu’un effet secondaire potentiel. L’art est utile, aussi bien à votre âme qu’à la société. Et en faire avec d’autres personnes peut décupler ces effets.

Ces dernières années, nous avons fait face à des changements sans précédent dans la façon dont les musiciens interagissent les uns avec les autres. Des scènes locales bien réelles battent de l’aile tandis que des communautés créées en ligne fleurissent. S’il devient de plus en plus facile de nous cacher derrière nos écrans en supposant que tout le monde vit dans une bulle sauf nous, il est important de se rappeler la valeur de certaines notions ringardes mais super importantes, comme l’engagement civique et la participation au monde qui nous entoure.

Prendre part à une scène musicale locale – DIY punk, country, jam, groupe pour mariage, peu importe – contribue à édifier la communauté, c’est-à-dire le fondement de la vie sociale, et représente également un bon moyen de tuer le temps avant que nous mourrions tous dans une explosion nucléaire. En plus d’être marrant. Même si vous êtes nuls. Certaines personnes vous diront « c’est une question de musique, mec », mais pourquoi ? Et qui les a nommé flics de « ce qui compte vraiment », de toute façon ? Faites de la musique. Faites-vous des potes ou au moins des ennemis, ça vaut le coup.

Allez-vous réussir et devenir une star ? Peut être ! Ou peut-être qu’il vous faudra redéfinir votre concept du « succès ». Quand j’avais 25 ans, j’ai juré que si à 30 ans j’étais toujours barman et que je jouais toujours dans un groupe, j’abandonnais. C’était il y a 15 ans. Quatre groupes et d’innombrables jobs ont suivi. Et regardez-moi. Je suis heureux comme un poisson dans une eau imprégnée de haine. Jouer dans un groupe, c’est un boulot à la Sisyphe :  la déception est toujours là, au tournant. Mais c’est est aussi ce qu’il y a de mieux dans l’Univers connu.

Choisissez bien vos musiciens

Il est facile de former un groupe ; il suffit de… former un groupe. Comme l’indique la chanson très justement intitulée « Formed A Band » d’Art Brut : « Look at us / We formed a band… dye your hair black / never look back. » (Regardez-nous / On a formé un groupe… teignez vos cheveux en noir / ne regardez jamais en arrière) Vingt-sept ans plus tôt, The Adverts élaboraient une ligne directrice similaire dans leur tube « One Chord Wonders ».

J’ai demandé à des musiciens comment on formait un groupe, et tous m’ont donné une réponse qui portait sur l’humain – plutôt que sur le matériel, le booking, la technique, les accords ou autres éléments infernaux. Il y a une bonne raison à cela : un groupe est un gang, une fratrie, une histoire d’amour qui, comme la plupart des histoires d’amour, est vouée à se terminer relativement mal. Dans l’idéal, vous devriez jouer avec des personnes partageant le même esprit que vous, mais, en fonction de la taille de votre ville, vous allez devoir commencer par… jouer avec n’importe quel guignolo qui acceptera de jouer de la musique avec vous.

« Ça revient à chercher un partenaire pour débuter une relation amoureuse qui peut fonctionner, ou pas », explique Nick Zinner des Yeah Yeah Yeahs. C’est vrai, et souvent ça revient plus exactement à essayer d’entamer une relation quand il n’y a qu’un seul bar en ville, qu’il ne reste ouvert qu’une heure par jour, et que le seul mec potable à l’intérieur est un amateur d’arts martiaux couvert de tatouages tribaux.

Si vous avez un choix plus étendu – si par exemple vous êtes encore au lycée ou à la fac – essayez de dénicher des gens qui ont au moins un centre d’intérêt commun avec vous, peu importe qu’il soit kitsch ou démodé (si vous kiffez KISS tous les deux, c’est déjà un bon début). Je vous recommande fortement d’établir ce lien dans la vie réelle – que ce soit au skate park, dans un bar ou encore en garde à vue. Je n’ai rien (du tout) contre les rencontres en ligne, mais vous assurer que vous êtes capable de tenir plus de 15 minutes dans la même pièce que cette personne peut vous éviter de perdre pas mal de temps. De longues heures de répétition – et potentiellement des années de van infesté de bouteilles remplies d’urine – vous attendent. Il vous faudra du temps pour trouver la bonne personne, mais ça en vaut la peine.

« Liez-vous avec des humains, pas des musiciens », conseille Eric Paul, du groupe Doomsday Student. Selon lui, il ne faut jamais oublier cette règle d’or. « Peu importe à quel point un musicien est novateur, talentueux ou compétent, si c’est un enfoiré, votre groupe ne marchera jamais. »

« La recherche et le choix des membres, c’est est un peu comme un commerce triangulaire », déclare Sam Ray, membre des groupes Teenage Suicide et Ricky Est Acid. « Vous devez trouver des gens avec qui vous pouvez vous entendre, mais si vous lancez un groupe avec vos amis, vous allez de toute façon finir par vous haïr les uns les autres. Il vous faut des gens talentueux, mais il est risqué de recruter des personnes talentueuses au hasard. Et puis vous serez obligé de faire une tournée ensemble, où vous prendrez le risque que l’un d’entre vous perde la tête et devienne violent, ou qu’il revende tous les instruments et se barre avec les MacBooks de tout le monde. Monter un groupe, c’est le bordel, en général. C’est là tout le problème. C’est le bordel. »

Kristin Kontrol des Dum Dum Girls, estime toutefois que la formation d’un groupe n’est pas un puzzle aussi compliqué qu’il en a l’air : « Ça paraît toujours intimidant et stressant, mais il faut s’affirmer. J’ai beau être une ermite, c’est ce genre d’expérience inattendue qui me permet d’être active dans ma communauté. »

Répétez autant que possible

Maintenant que vous avez trouvé au moins une personne avec qui « jammer », vous avez besoin de pratiquer. J’ai eu un groupe avec un brave type qui persistait à dire que la « pratique » était ce qu’un musicien faisait seul et que la « répétition » était ce que faisait un groupe. Il était également persuadé qu’un groupe ne devait pas enregistrer ou jouer en public avant d’être « bon » – autant dire que le nôtre était raide mort.

Mais il est vrai que la pratique/répétition est essentielle. Vous voulez de bonnes chansons, mais vous voulez aussi former un bloc solide contre le monde, même si ce « monde » est surtout peuplé de promoteurs qui vous entubent et de « proches » qui vous demandent de reprendre vos études. Pour ce qui est de l’écriture de « bonnes chansons », libre à vous, mais je vous suggère d’utiliser… tout ce qui est disponible, tout ce qui traîne autour de vous, de l’appli mobile Ultimate Guitar jusqu’aux répertoires respectifs de Smokey Robinson et des Slits. Si vos égéries vous déçoivent, au lieu de renoncer à votre rêve avant même d’avoir commencé, Zohra Atash de Azar Swan vous suggère d’essayer la méthode KLF (telle que décrite dans le guide pratique de KLF sorti en 1988, The Manual: How To Have A Number One The Easy Way) qui est la suivante : essayez de plagier la musique que vous aimez. « Smart Instruments » de GarageBand sur iPhone jouera littéralement les accords pour vous, et vous pourrez facilement les personnaliser.

« Vous commencerez à avoir une idée de la construction de base après avoir copié quelques-uns de vos groupes favoris », continue Atash. « N’ayez pas peur de vous faire cramer – vous n’êtes pas assez habile pour que ce soit réellement un plagiat. Si c’en est vraiment un en revanche, vous serez catalogué d’office en tant que groupe de bal. Version punk lo-fi. Ne soyez pas frustré. À mesure que le temps passe, et à moins que vous ayez des crochets à la place des mains ou que vous soyez complètement sourd, vous allez devenir incroyablement bon, pour autant que vous soyez prêt à passer du temps à développer votre propre style, et ce, quel que soit le point de départ. » Elle ajoute, et je suis fermement d’accord avec elle, que vous ne devez pas essayer de plagier les paroles, au risque de finir par être un authentique plagiaire.

Pour en revenir à la répétition : il vous faut un endroit. Quelque soit l’endroit où vous vivez, je doute que vous n’ayez pas de voisins, et je pense sans trop m’avancer que vos voisins et/ou colocataires ne sont pas particulièrement amateurs de batterie. Vous allez donc devoir trouver un espace dédié à ça. Souvent, à moins que vous soyez très fortuné, votre groupe devra partager cet espace avec d’autres groupes. Ce n’est pas grave.

Cela permet de former une communauté musicale et d’en tirer à la fois un soutien émotionnel et artistique, même si cela signifie que certains entendront ce que vous faites (la honte !), que vous devrez faire confiance à tous les zicos du coin et être sûr que personne n’utilise les amplis des autres sans permission. Assurez-vous, dès le début, que chaque personne du groupe est en mesure de payer sa part du loyer. L’argent peut devenir un gros problème, et si vous vous mettez à payer pour tout le monde, ça va vous bouffer. Évitez d’avoir à faire ça.

Venons-en au matériel : vous devez absolument trouver du matériel. Il peut être bon marché et moins original que ce que vous l’imaginiez – certaines des meilleures musiques jamais composées sont nées de la limitation technologique – mais, s’il vous plaît, économisez autant que possible et achetez un peu de matos, surtout avant de faire un concert. Ne vous pointez pas en supposant que vous pouvez utiliser la pédale d’un autre groupe. Surtout s’il est en tournée. Ça peut sembler élémentaire, mais croyez-moi, ça ne l’est pas. « Supposer » que vous pouvez utiliser le matos d’un autre groupe n’est pas punk ou DIY. C’est détestable. Certains groupes s’en tapent, d’autres non, et ils ont sans doute leurs raisons. Demandez-leur une semaine à l’avance et s’ils disent « non », respectez ça et trouvez un autre arrangement, ou alors ne jouez pas. Cela peut sembler tout à fait injuste et extrêmement capitaliste, mais si vous ne voulez pas avoir une réputation de merde, il va falloir vivre avec.

Organisez votre premier concert

Une fois que vous avez trouvé des musiciens que vous pouvez tolérer, des instruments vous appartenant dont vous pouvez à peu près vous servir, et quelques chansons (disons, selon la longueur, au moins six) qui ne craignent pas totalement (c’est subjectif, mais je vous fais confiance, et de toute façon, ça ne peut que s’améliorer), il est temps d’organiser un concert. Même si vous n’êtes pas tout à fait prêts.

Il y a plusieurs moyens de booker votre premier concert, mais encore une fois, tout dépend de l’endroit où vous vivez, du genre de groupe que vous voulez être et du genre de « scène » (s’il y en a une) dont vous voulez faire partie. Certaines salles acceptent que les groupes leur soumettent des enregistrements et peuvent filer à quelques élus le créneau de 19h le dimanche. Et c’est OK – je l’ai déjà fait et je ne le regrette pas. 

Cela étant dit, il est vraiment nécessaire qu’au moins un membre du groupe soit sociable, assiste à des concerts et se fasse des contacts. Vous pourriez être surpris de découvrir, après un temps fou passé à trifouiller des synthés analogiques avec d’autres tordus, que vous êtes cette personne. Discuter avec d’autres groupes et des promoteurs sera toujours plus efficace que d’envoyer un mail. Vous seriez surpris du nombre de groupes qui ne veulent pas jouer en première partie, et si vous êtes plutôt cool et que vous ne vous êtes pas déjà fait jeter du club, ce créneau peut être le vôtre.

Après avoir joué votre premier concert, à vous de voir, selon votre ambition, si vous aspirez à n’être qu’un groupe middle-ground de Coachella ou un adorable groupe local chaotique que tous les anciens bassistes adorent. Un battant ou un battu, un visionnaire ou un punk – de tous ces exemples, je préfère le dernier, mais c’est votre vie et votre groupe.

Allez-y et donnez tout. Soyez sympa avec le personnel. Surtout, pour votre propre bien, soyez sympa avec l’ingé-son, mais ne le laissez pas empiéter sur votre travail (bien qu’il ait probablement raison, et que vous devriez baisser la basse). Donnez un pourboire au barman, même si vous réglez en tickets boissons. Et de grâce, si vous avez la chance de faire une tournée, soyez sympas entre vous. Même si le guitariste rythmique mâche bizarrement et que tous les membres du groupe ont décidé qu’il était craignos. Rappelez-vous, vous faites partie de son rêve autant qu’il fait partie du vôtre.

Zachary Lipez fait partie du groupe Publicist UK. Il est sur Twitter.